Denis Marquet
Normalien de formation, Denis Marquet est philosophe, écrivain et conférencier. Il accompagne des personnes en recherche dans des groupes de Voie christique. Ses derniers livres interrogent la philosophie du Christ, avec un roman, Le Testament du Roc, et deux essais, Osez désirer tout et Aimez à l’infini.
https://www.denismarquet.net/lettre-dinformation/
Qu’est-ce que la foi ?
La foi est une attitude existentielle qui consiste à se laisser guider par le mystère, c’est-à-dire par une transcendance, par l’inconnu. La foi ne relève donc pas de la croyance. Au contraire, si j’associe à mes croyances une forte certitude, je prétends posséder le mystère et je me ferme à l’inconnu. La foi est un abandon intérieur à ce qui nous dépasse, elle implique de lâcher ses certitudes. Dans l’expérience de la foi, on est en dialogue avec le mystère, lequel ne répond pas forcément comme on s’y attend, et souvent nous travaille par rapport à nos convictions. Sur un chemin de foi, on apprend à perdre ses certitudes.
Cela ne signifie pas qu’on ne va pas se situer dans un horizon de sens. Par exemple, l’horizon de sens des églises chrétiennes tel qu’il a été créé dans le premier millénaire et qui définit de façon dogmatique la foi chrétienne est conçu pour préserver le mystère. Les dogmes chrétiens se sont créés contre des interprètes qui voulaient des certitudes rationnelles : par exemple, Jésus est soit Dieu, soit homme, mais il n’est pas rationnel de dire qu’il est les deux. Or, le mystère de Jésus, c’est justement d’être les deux. Et cela dépasse la rationalité. La foi, c’est se laisser guider par cette dimension qui dépasse notre petit mental, armé de sa sacro-sainte rationalité. L’Église, en affirmant (autoritairement certes, d’où les dogmes) que Jésus est à la fois Dieu et homme, ouvre un immense mystère, qui est en même temps le mystère de ma propre nature. Si Jésus est Dieu et homme, cela ne signifie-t-il pas que moi-même, être humain, je suis aussi de nature divine ? Ce que Jésus confirme en affirmant « Vous êtes des dieux » au chapitre 10 de l’Évangile de Jean.
Quand on a la foi, on est perpétuellement en lien avec quelque chose qui nous dépasse et nous incite à nous dépasser
Quand on a la foi, on est perpétuellement en lien avec quelque chose qui nous dépasse et nous incite à nous dépasser. Si, comme Jésus, ma nature est divine, ma condition humaine doit être dépassée ! Cela incite, paradoxalement, à une grande humilité. Ce mystère, qui me dépasse et m’appelle à me dépasser, est tellement plus grand que moi. C’est par l’humilité que la foi unit. Quand deux êtres de foi authentique, mais de tradition différente, se rencontrent, ils sont unis par l’humilité qui consiste à se sentir minuscules par rapport au mystère qui les guide. Inversement, ceux qui confondent foi et certitude sont dans l’orgueil de croire posséder la vérité. C’est ce qui engendre les conflits religieux.
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Peut-on augmenter sa foi et comment ?
Si la foi consiste à se laisser guider par quelque chose qui nous dépasse, cela signifie qu’une de ses dimensions essentielles sera de renoncer à être l’origine de soi-même pour laisser cette place d’origine à ce mystère — qu’on peut appeler Dieu si on veut, à condition de ne jamais perdre sa dimension de mystère. Si j’ai la foi, je suis de moins en moins à l’origine des choses, car c’est Dieu qui est la Source de mes pensées, de mes paroles, de mes actes.
Donc, puis-je augmenter ma foi ? Je crois que non. Dieu peut-il augmenter ma foi ? Oui. La foi est une grâce. Les religions proscrivent, en général, les conversions forcées. La foi ne se commande pas — ni aux autres ni à soi-même.
Mais si la foi ne se commande pas, elle se reçoit ; et la réceptivité se commande. Je ne suis pas maître de ma foi, mais je suis libre de ma réceptivité. Je peux décider de passer d’une volonté d’être l’auteur de ma vie et l’origine de mes actes à une disponibilité à recevoir de cette Source qui est mystère. Plus j’augmente ma réceptivité, plus je peux recevoir la foi, plus ma foi peut augmenter.
Pour lire l’article en entier, REFLETS n° 38 pages 36 à 38