CONFIDENCE D’ARTISTE
Anny Duperey,
la joie de vivre à toute épreuve
Nous avons rencontré Anny Duperey en Creuse, dans la maison qu’elle a partagée avec son compagnon Bernard Giraudeau. Orpheline à l’âge de 9 ans, elle a dû être séparée de sa jeune sœur pour être élevée par sa tante. À l’âge de 17 ans, elle entre au Conservatoire d’art dramatique et entame une carrière de comédienne. Parallèlement à son métier d’actrice, elle se passionne pour l’art photographique durant une vingtaine d’années et écrit plusieurs livres dont Le Voile noir et Le Rêve de ma mère, aux éditions du Seuil. Sa joie de vivre contagieuse, malgré les épreuves de sa vie, nous a donné envie de la connaître davantage.
Ainsi que vous le relatez dans votre livre Le Rêve de ma mère, il semble que vous soyez accompagnée de l’intérieur dans un certain nombre de situations.
J’ai écrit plusieurs livres autobiographiques, mais sous un angle différent. Les Chats de hasard était plutôt une biographie sous l’angle du rapport à l’animal : comment s’abandonner, avoir le nez dans la fourrure comme on l’avait autrefois dans la douceur d’un sein. Le Voile noir, c’était très clairement sur l’absence de mémoire et l’impossibilité du deuil. Le Rêve de ma mère est certainement le plus personnel et le plus intime, si intime que j’ai craint, à sa sortie, de le livrer au public.
Quant au fait d’être accompagnée et prévenue comme je l’ai été de l’intérieur, je m’en suis aperçue en fait quand j’avais désobéi. Quand je n’ai pas tenu compte de cette petite voix intérieure, j’en ai vu les conséquences. Je me demande finalement si je n’ai pas été conduite ainsi tout le temps et si ma plus grande qualité n’a pas été d’obéir. Je crois au mystère : est-ce que, finalement, ma vie ne s’est pas déroulée de manière à accomplir le rêve de ma mère trop tôt disparue ?
J’avais un ami, Maurice Chevit , un homme très spirituel, qui me disait : « Tu comprends, de temps en temps, ça s’entrouvre, on te fait un signe. Mais si l’au-delà est inaccessible, c’est qu’il y a une raison, alors il n’y a rien à faire. Il faut prendre avec gratitude les signes quand ils arrivent, et qui sont envoyés par bonheur. » Il est vrai que je suis dans une espèce d’ouverture sans avoir forcément de certitude. Depuis toujours, j’ai une bonne nature optimiste.
Il y a une dizaine d’années, j’ai pu récupérer les films d’enfance, réalisés par mon grand-père, dans lesquels j’ai découvert une famille gaie. Je me suis reconnue : petite nana qui avait manifestement pris la vie du bon côté. Désormais, je n’ai plus personne derrière moi. Il est donc hors de question que j’aille mal. J’ai mis quatre ans à écrire Le Voile noir. Alors que je terminais son écriture, je n’étais pas en grande forme et j’avais demandé à mon agent de me trouver une comédie pour m’alléger. Elle m’a proposé trois films d’une heure et demi : Une famille formidable. Le tournage commençait le 16 septembre et j’avais promis de rendre le manuscrit pour le 15 ! Je me suis dit : « C’est quand même superbement bien organisé. » Ensuite je rencontre mon futur metteur en scène qui me dit avoir fait des films de cinéma plutôt lourds, sombres, et qui est orphelin également. Là, j’ai eu un doute quand même : je veux un film, une comédie, j’en reçois trois qui commencent le lendemain du jour où j’ai promis de rendre mon livre, et de plus avec un orphelin pour les réaliser… J’ai toujours cette idée que mes « anges » n’y sont pas pour rien. Ce n’est pas possible autrement. Entre Le Voile noir et Une famille formidable, le public a vu deux faces : la face résiliente et la face sombre, et effectivement, cela a changé leur vision sur moi.
Comment définiriez-vous votre foi dans la vie ?
J’aime bien les gens. Je suis plutôt optimiste sur eux. Je pense qu’il y a toujours un bon côté. Quand les gens témoignent qu’on leur fait du bien à travers les films, c’est un sacré compliment !
Vous avez des actions humanitaires ; est-ce une nécessité pour vous ?
Ah oui ! Quand on a eu du succès, de la chance, il est important de rendre. J’invite parfois mes enfants en vacances, à faire un voyage l’hiver. J’ai à cœur de donner la même somme au Secours Populaire. Donner est quelque-chose qui me fait plutôt du bien.
Pour lire l’article en entier REFLETS n° 33 pages 74 à 77