ACTU migrants
Aquarius : bloqué à quai
Maxime Mocquant
L’Aquarius ne peut plus battre pavillon panaméen. En un mois, Gibraltar puis Panama l’on retiré de leurs registres, suite à la pression du gouvernement italien de Matteo Salvini. Aujourd’hui, ce bateau, bloqué au port de Marseille, ne peut aller à la rencontre des migrants qui quittent les côtes libyennes pour rejoindre l’Europe. L’ONG française SOS Méditerranée lance un appel au secours, car l’Aquarius était le seul bateau qui sillonnait encore la Méditerranée. Pour certains, les passeurs mettaient à l’eau des embarcations de fortune, instables, présentant de gros risques pour les dizaines de migrants à bord. Les secourir revient à dire que l’ONG est complice des passeurs. Pour les autres, c’est apporter secours à ces migrants qui, quoi qu’il arrive, tenteront la traversée. Le gouvernement italien, qui se fait l’écho de sa population, se sent trahi par les autres États européens qui avaient promis d’apporter de l’aide pour une meilleure répartition des populations migrantes. Devant les tergiversations des uns et des autres et le non-respect des engagements, le gouvernement italien, élu démocratiquement, a mis en place la politique qu’il avait annoncée. Et si les migrants décident de s’aventurer sur les eaux avec des bateaux ne présentant aucune sécurité, c’est à leurs risques et périls. Mais quand on n’a plus rien à perdre !
Contrairement à certaines idées reçues, seulement 3 % de la population mondiale sont considérés comme migrants, et cette proportion est restée stable au cours des cinquante dernières années. Parmi eux, 37 % ont migré d’un pays en développement vers un pays développé. En revanche, 7 % sont des réfugiés dont la plupart s’installent à proximité de leur pays d’origine. C’est le cas des réfugiés syriens au Liban. En 2010, cinquante millions de personnes étaient des réfugiés environnementaux. Le Haut Commissariat des Nations unies estime que ce chiffre dépassera les deux cents millions en 2050. La vraie crise migratoire est donc devant nous.
Alors si les Occidentaux ne veulent pas voir arriver des vagues incessantes de migrants dans leurs villes et campagnes, s’ils ne souhaitent pas partager ce qu’ils ont gagné par leur travail, ils devront construire des murs pour se protéger des envahisseurs, et les empêcher d’accoster sur leurs côtes. Le repli sur soi est-il une solution ? Le rejet de l’autre attise la haine, d’un côté comme de l’autre. Cette haine se transforme en guerre sous toutes ses formes, et comme le rapport de force est inégal, les armes utilisées sont de moins en moins conventionnelles. Pendant les six premiers mois de l’année 2018, on compte plus de mille morts en Méditerranée : malgré une diminution constatée du nombre de migrants, le taux de mortalité ne cesse de progresser.
Dans une tribune du journal Libération, Bertrand BADIE, professeur des universités à l’Institut d’étude politique de Paris, titrait : « Le migrant est l’avenir du monde ». Provocation ? Peut-être. Pourtant, si nous regardons notre civilisation, nous sommes bien obligés de constater son usure. Plus personne ne peut encore croire que la consommation superflue apporte la joie de vivre. Nos valeurs fondées sur la croissance infinie et la technologie sont périmées. Nous n’avons plus qu’à défendre nos acquis. Les migrants ont tout quitté pour sur-vivre. Ils sont des SUR-vivants. Les accepter, c’est renouveler nos critères de vie et remplacer la consommation excessive par le partage et la solidarité. De nouveaux codes apparaîtront : réussir, c’est aider, au lieu de : réussir, c’est consommer. Être vivant, c’est être solidaire, au lieu de : j’ai, donc je suis.
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Pour lire l’article en entier, Reflets n° 30 pages 20 à 21