De la loi du talion à celle de la joue !! !
Dans le célèbre Sermon sur la montagne, Jésus-Christ évoque devant de son auditoire les lois des Saintes Écritures, y compris la bien connue « loi du talion ». Il entreprend de la transformer en une nouvelle perspective que l’on pourrait appeler la « loi de la joue ».
En effet, Jésus-Christ déclare : « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre » (Matthieu, 5:38-39).
Étrange transformation
Sans détour ni fioriture, il procède à une transformation surprenante. Il semble encourager le passage d’une vengeance juste et encadrée, jugée les sacrificateurs et les juges alors en fonction (Deutéronome 19:15-21), puisque, de toute évidence, les enseignements de l’Ancien Testament n’autorisent pas la vengeance personnelle (Lévitique 19:18). Cependant, il appelle à une attitude qui pourrait sembler manquer de courage, de dignité et de loyauté pour les hommes et femmes qu’il invite à le suivre vers le Royaume des Cieux. Il doit y avoir forcément un sens plus profond à cette exhortation.
Épreuve de force et épreuve d’âme
Le conseil de Jésus fait écho à celui du roi Salomon, qui a averti : « Ne dis pas : Je lui ferai comme il m’a fait. Je rendrai à chacun selon ses œuvres » (Proverbes 24:29). En effet, le disciple de Jésus doit tendre l’autre joue, évitant ainsi de se laisser entraîner dans une « épreuve de force » et de succomber à la provocation et à l’envie mutuelle, comme le rappelle Paul (Galates 5:26). Le Seigneur souhaite provoquer une épreuve d’âme pour nous permettre de travailler sur nous-mêmes et participer de l’œuvre divine. Il ne s’agit pas d’un geste physique, mais d’un véritable retournement de perspective.
Transformation éthique
Cette parole
signifie clairement que si quelqu’un tente de provoquer une confrontation par une gifle, une parole blessante ou une remarque brutale, l’autre personne ne devrait pas répondre de la même manière. En suivant la « loi de la joue », elle devrait au contraire tout faire pour empêcher l’engrenage de la vengeance et de la réciprocité du mal de se mettre en marche.
À l’action perpétrée,
Jésus nous propose de répondre autrement. La présumée passivité de « tendre l’autre joue » correspond en réalité à une véritable activité de l’esprit, faisant appel à l’intelligence du cœur. Cela signifie qu’à la « loi du talion » connue, il nous faut substituer la justesse d’une attitude « élevée », révélant que le mot talion signifie étymologiquement « tel », « pareil », voire « semblable ». En favorisant des actes basés sur le « semblable », nous vivons en harmonie avec notre prochain [1] et accomplissons ainsi, plutôt que de réduire, l’œuvre de Dieu.
Cette transformation éthique,
indispensable au vivre-ensemble, correspond à un engagement dans la réciprocité de la relation entre hommes et femmes. N’est-ce pas ce qu’explique Tobit à son fils Tobie : « Ne fais à personne ce que tu détestes, et que cela n’entre dans ton cœur aucun jour de ta vie » (Tobie 4:15) ? Il poursuit ses conseils en disant : « Donne de ton pain aux affamés et de tes vêtements à ceux qui sont nus » (Tobie 4:16).
Nous aboutissons ainsi à une tâche éthique infinie qui convertit l’ensemble de l’Ancien Testament en une vie nouvelle : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jean 13:34). Malgré les difficultés inhérentes à toute humanité, cela est possible car Dieu nous a créés à son image et sa ressemblance (Genèse 1:26).
Tâche éthique infinie…
Tendre l’autre joue n’est pas une attitude passive face à l’injustice perçue, mais une démarche active et prudente. C’est un acte de vigilance où l’on met des feux de détresse devant les dangers de l’inhumanité, tant en soi qu’en l’autre, notre prochain. En suivant la « loi de la joue », nous ne nous soumettons pas à la violence ou à l’injustice, mais nous affirmons notre engagement à rompre le cycle de la vengeance et de la réciprocité du mal. Nous érigeons des barrières morales contre l’obscurité de l’âme, en nous et chez autrui, et nous favorisons ainsi une transformation éthique qui aspire à la paix et à l’amour universel. En fin de compte, tendre l’autre joue, c’est choisir de vivre selon les principes de la Bonne Nouvelle, contribuant ainsi à l’œuvre divine de réconciliation et de justice.
Gabriele Di Patrizio
[1] À la question « Qui est ton prochain ? » (Luc 10:29) pourrions-nous répondre talioniquement : « mon semblable ».
Cet article a 5 commentaires
bravo pour ces réflexions
Merci Michèle
Une réflexion pertinente et véridique, d’actualité dans le monde actuel. Un message à expliquer aux apprenants de tout âge, que nous sommes, d’autant plus dans cette société brisée par la haine et l’individualisme. Une parole de Jésus Christ qui nous enseigner la loi de l’amour!
Merci Mihaela
une page nouvelle commence à s’écrire esquissant un horizon pour un christianisme qui ne fait que commencer