Anciennement avocat au barreau de Bruxelles et conseiller juridique, Thomas d’Ansembourg s’est engagé comme bénévole dans une association d’aide aux jeunes connaissant des problèmes de délinquance, violence, prostitution et dépendances de toutes sortes. Par cette double approche, juridique et sociale il s’est impliqué dans la gestion des conflits et la recherche de sens. Puis il devient psychothérapeute accompagnant les personnes dans les processus d’ouverture du cœur et de la conscience. il est aujourd’hui un des pionniers francophones de l’enseignement de la Communication non Violente, inventée par Marshall Rosenberg
Que veut dire changer le monde pour vous ?
Cela veut dire y apporter les valeurs qui nous tiennent profondément à cœur, en témoigner par notre façon de vivre et laisser autant que possible une sorte de sillage de contribution pour que ces valeurs soient vivantes.
Qu’est-ce qui a changé et qu’est-ce qu’il faudrait changer ?
Notre système de pensée. Nous nous sommes laissés encoder dans une impression de séparation, des visions de cloisonnement et notamment de séparation de la nature. Nous sommes de la nature comme un enfant est de sa famille. C’est un sentiment qui s’est perdu, je pense, avec l’arrivée de la société industrielle et le fait que, de plus en plus de gens, vivent hors sol et donc hors du rythme des saisons. Ce qui est à changer aujourd’hui, c’est retrouver l’inclusion, le sens du tout, le sens du nous et pas juste un « nous autres », un « nous tous » comme tous les passagers humains et non humains, passagers du vaisseau terrestre. C’est la conscience à laquelle j’essaie de contribuer comme beaucoup de contemporains qui sont dans cette démarche de co-créer le nouveau paradigme.
Dessin de Nelly Chobaz
Qu’est-ce qu’il faudrait comme conditions pour changer, des conditions intérieures à l’humain ? Est-ce qu’il y a aussi des conditions extérieures ?
Nous avons besoin d’apprendre à transformer notre façon de concevoir la vie, le vivant, l’incarnation. Nous créons des sociétés qui correspondent à nos systèmes de pensée. Si je pense en termes de division et de séparation, je crée des structures séparées, divisées et des rapports humains séparant, divisant. Et inversement, si je pense en termes d’inclusion, je vais générer, par exemple le management participatif, la collaboration, la collégialité, la cohabitation des différentes sphères du vivant, comme en permaculture où tout sert à tout, les cycles sont respectés, les choses se mutualisent, pollinisent, collaborent. Je crée des synergies. Mais si je pense en termes de séparation, par exemple en culture, je suis propriétaire du terrain, et j’en veux le plus grand profit. Je mets n’importe quel produit pour engraisser ou pour tuer les parasites, j’entretiens de la division-séparation et tôt ou tard, ça meurt. Donc, nous avons besoin de transformer le système de pensée et ce travail n’est pas nécessairement confortable parce que nous sommes très habitués à vivre dans un connu inconfortable mais qui a le bénéfice d’être connu. Nous gardons des routines, des automatismes, des croyances limitantes, des pensées souvent négatives. Mon travail s’inspire beaucoup de cette formule de Paul Watzlawick, le père de l’analyse des systèmes relationnels, de l’analyse systémique, un des fondateurs de l’école de Palo Alto qui observait les systèmes humains, l’écologie relationnelle et qui disait qu’une des premières lois de tout système, c’est que, si on fait ce qu’on a toujours fait, on obtient ce qu’on a toujours obtenu. C’est évident ! Et bien sûr pour les enjeux du réchauffement climatique ou de la biodiversité, nous devrions faire autrement. Et la plupart du temps, nous éludons ce qui préside à ça, c’est : « Comment vas-tu faire autrement si tu penses pareil ? » C’est juste impossible. La seule façon d’obtenir autre chose et donc de faire autrement, c’est de penser autrement. Mais c’est très inconfortable puisque je dois sortir de mon traintrain de pensée habituel, me remettre en question, m’asseoir avec moi-même, dans la chaise de l’intériorité, la chaise du discernement qui me permet de prendre du recul et de me remettre en question. Peut-être je pourrais m’enhardir à penser plutôt comme ça et à faire plutôt comme ceci et peut-être à ce moment-là obtenir un résultat qui sera plus favorable, tant pour moi que pour mes frères et sœurs humains, que pour la planète. Voilà un travail de pivotement à l’intérieur, pas forcément confortable mais absolument nécessaire.
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Pour lire l’article REFLETS n°39 pages 58 à 60