C’est au fond de mon cartable que se trouve l’aventure
En ce matin de septembre 1979 dans la classe lumineuse de ma nouvelle école, j’ouvre mon cartable, je regarde au fond. J’ai 9 ans, je suis en CM1. Mes parents ont quitté Vénissieux, banlieue de Lyon, pour la campagne, un petit village d’Isère. Je commence mes premiers pas vers de nouveaux horizons, assise à côté de Fabienne, une grande de CM2. Madame Rambaud, professeure des écoles à l’ancienne, avec sa blouse sombre, ses petites lunettes et sa voix un peu perchée oscillant entre le doux et le sévère, nous fait sortir notre cahier d’arithmétique, rituel d’une courte leçon signant l’imminence de la récré !La classe ne me motive guère, la récré, oui. C’est au fond de mon cartable que se trouve l’aventure. Elle m’attend, ma corde à sauter à l’odeur de la banane déposée par ma maman pour le goûter du matin. Elle est jolie avec ses deux pommeaux en bois rouge et sa corde tissée de plumetis rouge et vert. La maitresse regarde sa montre, c’est une question de secondes.
-
C’est l’heure de la récréation, sortez en rang et sans bruit !
Je bondis dehors là où la vie m’attend ! J’attrape Valérie et Sandrine, mes partenaires de jeu, le cœur battant pour ne pas perdre une seconde. Un premier jeu pour déterminer qui commence à sauter. Le sort décide que je serai la première. Chacune s’installe à un bout de la corde, je suis tout excitée. Le rythme de la corde qui tourne s’installe déjà en moi. Pour entrer dans leur danse, je dois sentir le bon moment en m’élançant A… B… C… D, je saute avec pour repère l’alphabet. La corde claque un de mes mollets à la lettre P. Vite ! je dois trouver en trois secondes un prénom commençant par P pour être autorisée à poursuivre le jeu. P comme Pierre m’offre une prolongation pour me sentir de plus en plus en harmonie avec la corde. Jusqu’à être unie avec elle, faisant disparaître dans cette cour, les cris des autres enfants.
« La corde est matière.
Une force extérieure la fait tourner.
L’enfant saute. S’il saute plus tôt,
S’il saute plus tard qu’il ne faut –
Bien sûr – la corde le frappe.
LE MOMENT JUSTE, C’EST LE BUT.
C’EST LA JOIE DANS LE JEU. »1
1 Dialogues avec l’ange, Gitta Mallasz, 1990, éditions Aubier ; entretien 26 avec Lili.
Nathalie Geniller
Pour lire l’article en entier REFLETS n°50 pages 38 à 39
Si cet article vous plait, pensez à faire un don. Le fonctionnement du site a un coût. Il n’y a pas de publicité.
Vous avez un bouton « don » sur le côté. Merci de votre participation quel que soit le montant