La crise de la quarantaine,
une dépression capitale ,
par Pierre Sabanier
Voici un bon nombre d’années, un homme que nous appellerons Daniel, finissait ses études à l’école de commerce. Il se disait alors : « J’aimerais habiter un bel appartement en centre-ville, avoir une belle voiture rapide et confortable pour emmener ma famille et avoir aussi une maison au bord de la mer, en Bretagne, pour passer les vacances familiales. Ce n’était pas un rêve, mais un désir plus ou moins bien formulé fixant son objectif de réussite.
Vingt ans plus tard, nous retrouvons Daniel avec un petit coup de blues. Son travail lui pèse : aller tous les jours au bureau pour gérer les problèmes, obtenir de nouveaux contrats, répéter les mêmes consignes, accueillir les clients… L’enthousiasme des débuts a disparu, remplacé par la routine, certes efficace mais si monotone. Seuls les problèmes donnent un peu de relief à ses journées. Sa morosité déteint sur sa vie familiale. Il a du mal à supporter ses deux enfants, l’un en fac, l’autre, au lycée en terminale et l’année prochaine, il se retrouvera seul avec son épouse dans ce grand appartement. « On pourrait déménager » pense-t-il. Même sa femme Michèle l’agace. Il la trouve futile. Parler chiffons, voisinage et expositions le lassent.
Un matin, au lieu d’aller travailler, il reste chez lui, au lit, envahi par une torpeur inhabituelle. Il en profite pour faire le point. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Tout va et pourtant rien ne va.
Dans son bilan rapide, il s’aperçoit qu’il a obtenu à peu près tout ce qu’il voulait dans bien des domaines : famille, métier, argent, vie sociale, santé. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
Avec son tempérament de battant, il refuse de succomber à la déprime. Il consulte son ami médecin qui lui prescrit ce qu’il faut pour le remonter. Il prend un coach. Et le voilà parti pour redynamiser ses affaires et sa vie.
Cinq ans plus tard, Daniel est un homme cassé. Sa femme l’a quitté lui reprochant de ne pas s’intéresser à elle, d’être un zombi. En effet, il n’a plaisir à rien. Il a des insomnies, il est fatigué dès le matin, et n’arrive pas à se concentrer. Où est le Daniel sûr de lui ? Il envisage sa mort, la réclame.
Pourtant il gagne beaucoup d’argent. Il a acquis une superbe propriété dans le midi, il a une voiture de sport, il voyage, il a de nouveaux amis, mais le sont-ils vraiment ou s’intéressent-ils seulement à son argent ? Ses enfants profitent de la manne mais combien de temps passe-t-il avec eux ? Et ses petits-enfants, il ne les voit pas grandir. Quant à ses affaires, il doit jongler pour les maintenir.
La dépression à laquelle il avait cru échapper
est en train de le rattraper.
Comment cela se fait-il ?
Il y a cinq ans, Daniel n’avait pas perçu le sens du signal de la déprime annonciatrice de la crise de la quarantaine. Ayant atteint ses objectifs de jeunesse, la vie ne lui indiquait-elle pas alors qu’il était l’heure de passer à autre chose ?
(Nous pouvons nous demander si le phénomène n’est pas identique pour notre civilisation occidentale. Les objectifs de la modernité sont atteints : confort et temps libre. Qu’en faisons-nous ? Encore plus de…
La vie n’indique-t-elle pas que les nations occidentales ayant réussi, ont maintenant à aider les autres peuples de la terre au lieu d’exploiter la planète avec pour seul objectif d’être encore plus riches ?)
(…)
Pour lire la suite , Reflets n° 21 pages 50 et 51