Interview du père Père Marc-Antoine Costa de Beauregard
Que préconise l’Église orthodoxe d’aujourd’hui en matière de jeûne ?
Les chrétiens se définissent plus par la foi que par une spiritualité.
La catégorie du spirituel se rapporte pour nous à l’expérience du saint Esprit, Pneuma divin dont les énergies incréées spiritualisent au sens de « pneumatisent » toute la personne humaine. « Jeûne et spiritualité » dans le sens chrétien orthodoxe peut se traduire « Jeûne et expérience du saint Esprit par la foi ».
L’expérience du jeûne est pour les chrétiens liée au mystère de l’Église.
Ainsi, je dis, non pas que « je jeûne », mais que « nous jeûnons ». La réalité et l’expérience du jeûne se trouvent dans la Tradition, transmission séculaire de l’expérience que le Christ a faite et a transmise à ses apôtres. Le jeûne est une expérience ecclésiale toujours nouvelle, grâce à l’Esprit.
L’Église orthodoxe a développé une expérience ascétique
qui consiste à respecter des périodes de jeûne réparties sur l’année. La période qui sert de modèle à cet égard est celle du Carême, ou « quarantaine » (du latin quadragésima) qui conduit jusqu’à Pâques. Nous suivons d’autres périodes de jeûne : celui des Apôtres – de la fête de tous les saints jusqu’au 29 juin ; celui de la Mère de Dieu – du 1er au 15 août ; et le carême de Noël – 40 jours jusqu’à la Nativité.
Ensuite l’Église préconise des jeûnes hebdomadaires :
mercredi et vendredi, et même, pour les plus fervents, lundi. S’ajoutent à cela des jours de jeûne comme le 29 août, assassinat de saint Jean-Baptiste par Hérode.
Cette expérience est transmise principalement de façon orale et vivante,
de maître à disciple, par tradition familiale ou monastique. Mais les périodes et jours de jeûne sont rappelés aux fidèles dans le calendrier liturgique annuel que tout chrétien orthodoxe a chez soi.
Y a-t-il plusieurs jeûnes ?
En français deux mots sont employés et désignent des expériences différentes :
le jeûne total – on ne prend rien pendant un temps donné ; l’abstinence – on retire certains aliments pendant un temps. Le jeûne total, du lever au coucher du soleil, pendant un ou plusieurs jours, est pratiqué au sein d’un carême, avec une bénédiction particulière, ou encore pour se préparer à un événement important. La relation au père spirituel nuance cette pratique et la personnalise. La vie des saints et des pères du désert montre que souvent ils jeûnaient plusieurs jours. Et certains de nos contemporains sont capables de la même expérience.
L’autre expérience, celle de l’abstinence,
beaucoup plus fréquente, se pratique pendant toutes les périodes de jeûne citées plus haut. Elle consiste le plus souvent à s’abstenir de toute nourriture animale. On renonce également à l’huile et au vin, deux aliments festifs. Le jeûne est principalement la préparation à une fête (Pâques, Noël, la communion eucharistique), ce qui vaut la peine d’être redécouvert.
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Le jeûne n’est pas seulement le jeûne alimentaire.
Le jeûne conjugal, abstinence sexuelle pendant les jours de jeûne, tend à maintenir vivante la relation amoureuse dans le couple. Il permet à celle-ci de ne pas se banaliser et devenir ainsi impersonnelle. Ce jeûne est également une préparation festive si on considère que la relation amoureuse et sexuelle est une fête, un moment de noces.
Très important également est le jeûne des pensées
qui consiste à s’abstenir de juger autrui, d’entretenir des pensées négatives et passionnelles. L’esprit humain apprend à jeûner.
On pourrait ajouter à cela le jeûne culturel : l’abstinence pendant un temps de la télévision, d’Internet, du cinéma, du théâtre, du Smartphone, de certaines lectures est conseillée. Ces activités, quoique bonnes, peuvent constituer des formes de dépendance, or l’ascèse du jeûne tend à libérer la
liberté ; elle exerce le choix et la décision.
Comme on le voit, l’expérience du jeûne concerne toutes les dimensions de la personne :
le corps, l’affectivité, la culture. Elle oriente la personne vers d’autres formes d’alimentation. Le jeûne, comme toute ascèse du corps ou de l’âme, mobilise l’inconscient et suscite des modifications importantes dans le comportement humain.