Le jardin est un archétype aussi ancien
que l’humanité dans la presque totalité des cultures. C’est là que tout commence et, sans doute aussi que s’achève ou plutôt que tout culmine. Le mot lui-même vient de l’ancien persan pour signifier le paradis. Il a aussi une influence hébraïque où il se nomme gan c’est-à-dire bouclier. Il s’agit donc d’un lieu métaphorique reliant la splendeur végétale et un lieu clos et protégé. Il est mentionné au tout début de la Bible où il est écrit, dès le chapitre deux, que le Seigneur planta un jardin en Eden à l’Orient. Et en hébreu, Eden signifie délices. Nous avons ainsi la mosaïque complexe de nos origines car dans la Bible tout est symbole ou archétype.
Les spirituels chrétiens, de toutes les époques, s’y réfèrent très souvent comme un lieu à la fois naturel et surnaturel, dans le temps et hors du temps. C’est avant tout un lieu d’expérimentation et de croissance de notre humanité.
Notre premier terreau
Nous voilà nus
comme dans une matrice riche tous les possibles. Dans cet espace intérieur merveilleux se joue notre destin. Qui serons-nous ? Nous baignons dans un enclos protégé et le Seigneur ou le souffle s’y promène directement relié à nous par un cordon ombilical symbolique. Puis nous en voilà expulsés lors de notre naissance. Et nous aurons toujours, consciemment ou inconsciemment, une nostalgie de nos origines. Mais dès le départ nous naissons d’une triple façon comme le note Thomas d’Aquin (1225-1274) :
« Triple est la naissance,
Éternelle au sein du Père
Dans le temps du sein de sa mère,
Spirituelle dans nos cœurs »
À nous de jouer
et de prendre le chemin de la croissance intérieure. Il s’agit, pour chacun d’entre nous, d’opérer une prise de conscience que nous sommes bien autre chose qu’un simple objet physiologique mais un être humain aussi vertical se nourrissant d’une nécessaire spiritualité. L’air qui nous entoure n’est pas de nature solide mais sans lui nous ne pouvons vivre, ainsi d’ailleurs que toute la création. C’est de cette évidence que la plupart des spirituels chrétiens ont pris conscience en inspirant et expirant environ 22.000 fois par jour en invoquant, consciemment ou inconsciemment, le Nom du Seigneur. Et c’est un long chemin qui dure toute notre vie. De plus, il a commencé à l’aube de l’humanité comme le remarque le chapitre 4-26 de la Genèse.
Nos jardins pèlerins
Ces jardins sont les différents jalons marquant notre évolution intérieure durant toute notre vie si du moins nous en acceptons la réalité. Comme pour l’échelle de Jacob qui relie le ciel et la terre, les jardins de la Bible marquent des étapes refondatrices de notre vie. Le jardin du Cantique des Cantiques a, comme toujours, plusieurs sens, de l’amour humain à l’amour vraie substance et lien de l’ensemble de la création. Puis nous arrivons à l’ultime jardin de l’Apocalypse où l’univers entier est transfiguré…..et nous avec !
L’ultime jardin
De jardin en jardin, nous arrivons à approcher de la réalité terminale dans la tradition chrétienne, le mystère trinitaire. Jean de la Croix (1542-1591) l’un des plus grands mystiques occidentaux l’a vraiment expérimenté puis l’a verbalisé sous la forme elliptique du verbe poétique en écrivant :
« Au sein de cet Amour immense
Qui procédait des deux personnes,
À son Fils le Père disait
Des paroles d’un si grand prix,
D’un tel abîme de délices
Que nul ne les pouvait saisir »
Le Christ jardinier
C’est en ce sens que notre quotidien peut être transformé en mettant la personne du Christ au centre de ce que nous sommes dans toutes nos dimensions, relationnelles ou intimes : devenir chacun de « petits Christ » pour jardiner nos âmes. La porte du Royaume peut alors s’entrouvrir.
Gérard-Emmanuel Fomerand
Cet article a 2 commentaires
Cher Gérard-Emmanuel,
Merci de ton approche bucolique qui évoque, à mon sens, des paysages et des parfums empreints de sérénité, ainsi qu’un ordre apaisant. Elle suggère surtout un devoir engagé de participation quotidienne, tel un jardinier dévoué à l’œuvre du semeur. N’est-ce pas ?
Gabriele
bien sûr nous jardinons nos vies au rythme de nos croissances intérieures comme le grain de s’énervé de l’Evangile