Sofia Stril-Rever autrice, enseignante et activiste spirituelle, est la biographe de Sa Sainteté le dalaï-lama. Elle a créé le protocole de la Quête d’Éveil Be the Love, à l’ONU-Genève, et la célébration de la Journée internationale de la conscience. www.bethelove.global
Transmission, transgénérationnel,
comment reconnaître les chemins que prend l’héritage psychique qui nous traverse, quand notre famille ne se limite pas au couple parental et aux lignées père et mère ? … quand la chaîne des connexions s’agrandit au point de franchir la barrière des espèces pour devenir trans- ou inter-espèces, associant dans le canal de transmission les humains et les autres qu’humains ? Comment se vit une telle ouverture à l’altérité qui inclut une communication avec non seulement les générations précédentes, mais aussi les suivantes, de sorte que les enfants d’aujourd’hui sont perçus comme nos parents de demain ? Quand dans l’abeille qui bourdonne, l’oiseau qui vole ou le chien que l’on croise, on accueille la mère ancienne d’une vie passée… ou la mère future d’une vie à venir ? Il peut en résulter une subversion des codes et de l’autorité. Je citerai un exemple personnel, celui de ma fille. Elle avait trouvé dans la croyance en la réincarnation un excellent argument pour contester certaines limites que je posais. Se projetant dans une vie future où elle serait ma mère, elle affirmait qu’elle m’interdirait ce que je venais de lui refuser. Plus généralement, ouvrir la problématique du transgénérationnel dans la perspective des réincarnations trans-espèces, pose la question des modalités et de l’objet même de la transmission dans les traditions de l’Éveil.
Mères, pères, enfants de vies passées innombrables
On rapporte que le grand maître indien Atisha, jusqu’à la fin de sa vie en 1054, caressait affectueusement les animaux qu’il rencontrait. Il les interpellait tendrement : « Ma vieille mère d’une vie ancienne, mais qu’as-tu fait pour renaître dans cet état ? » Et il leur murmurait des prières à l’oreille, pour qu’ils bénéficient à l’avenir d’une incarnation humaine leur permettant de devenir des bouddhas. Dans la perspective des transmigrations de vie en vie, le comportement d’Atisha créait les causes d’une transmission authentique dont le fruit serait certes différé en d’autres lieux et d’autres temps, sous d’autres formes de vie. Mais ici l’aspect linéaire ou séquentiel importe moins que l’enjeu même de ce qui est transmis. Car il s’agit de déposer des graines d’amour et de sagesse dans le courant de conscience d’êtres sensibles qui, dans un corps d’animal, ont en partage la nature de Bouddha, de sorte que, le moment venu, ils trouveront le chemin vers l’Éveil.
La pensée bouddhiste
La pensée bouddhiste admet qu’un être humain peut renaître en tant qu’animal et inversement.
Les histoires de réincarnation abondent en Asie où un proche décédé renaît comme le chien de la maisonnée ou comme le poisson que la mère de famille s’apprête à faire cuire. Dans les chapelles du Potala au Tibet, on tolérait les souris qui venaient grignoter les offrandes des fidèles, parce qu’on considérait qu’elles étaient d’anciens moines ayant fauté, revenant sous forme de rongeurs. Dans le soutra du Mahayana appelé Le Filet de Brahma, le Bouddha enseigne que renaître d’une existence à l’autre est la loi permanente et immuable. Il en résulte que les êtres sensibles du règne animal ont été nos mères, nos pères, nos enfants ou nos proches parents des vies passées, dans un nombre de vies infinies. Le Bouddha a lui-même, dans ses existences antérieures, pris un corps d’éléphant ou de cerf, ou bien il a offert sa vie pour sauver des animaux, une colombe menacée par un faucon par exemple ou les petits d’une tigresse affamée s’apprêtant à les dévorer. Dans les récits de ses renaissances qu’on appelle les Jataka, humains et animaux se comportent en membres d’une seule et grande famille. Car tous, mammifères, insectes et invertébrés, possèdent la nature de Bouddha et dans le soutra du Lotus, la fille du roi Dragon qui atteint l’Eveil, donne la preuve qu’on peut obtenir la bouddhéité en tant que femme et en tant qu’animal. C’est sur la base de cette réalisation que s’est éveillé le Bouddha Shakyamuni, et telle est la transmission singulière d’amour transgénérationnel des êtres-mères, propre à l’enseignement bouddhiste. Comme il s’agit d’une vérité expérientielle et non spéculative, je vous propose de l’approfondir dans une lecture contemplative décrivant la première veille de la nuit de l’Illumination du Bouddha. Voici donc la première partie d’une des médit-actions Be the Love dont j’ai créé le protocole pour ouvrir nos cœurs et nos consciences à la réalité vécue de l’Éveil.
Renaître enfant de la vie universelle,
Comme Siddhartha, qui devint le Bouddha Shakyamuni en s’éveillant, imaginez que vous vous asseyez sous l’arbre de la Bodhi. Il est six heures du soir, c’est le début de la première veille de la nuit de l’Illumination. Après la brûlure du jour, les ombres s’allongent et vous goûtez une fraîcheur reposante. La pleine lune du troisième mois se lève à l’horizon. Comme le bouddha futur, les yeux mi-clos, tournez votre regard vers l’intérieur… C’était en Inde centrale, à Bodhgaya, il y a 2 500 ans… C’est ici et maintenant, dans votre cœur. Tout comme Siddhartha, vous prenez l’engagement de ne pas relâcher vos efforts jusqu’à ce que vous atteigniez l’Éveil parfait, jusqu’à ce que vous perceviez la vraie nature de votre esprit et du monde, pour le bien de tous les êtres…
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