Comédienne, chanteuse, Véronique Jannot a marqué les téléspectateurs dans la série Pause café. Depuis 2011, année de la première interview, nous l’avons rencontrée à plusieurs reprises. Aujourd’hui notre constat est le même : son sourire, toujours présent, est le signe d’une femme sereine. Ne serait-ce pas la manifestation d’un engagement spirituel au cœur de la vie de Véronique ?
Depuis de nombreuses années elle est investie dans la cause tibétaine, soutenant les enfants tibétains en exil, à travers l’association Graines d’Avenir qu’elle a créée en 2005. Dans son nouvel ouvrage qui vient de paraître Le présent est mon refuge, elle aborde ses combats et les enseignements reçus au cours de son existence.
Dans votre livre, vous parlez de spiritualité, de santé et de médecine. Lequel de ces thèmes vous tient le plus à cœur ?
Sur mon parcours les trois sont liés,
mais je dirais la spiritualité car elle permet de tout aborder différemment, à commencer par la santé. Elle amène une autre compréhension de la vie et de notre place dans l’univers. Cette place je la ressens très fort dans la nature. La paix que celle-ci apporte est essentielle. Les peuples premiers ont ce message à nous communiquer. Nous les laissons mourir et se faire déposséder de leurs terres ancestrales sans bouger le petit doigt alors qu’ils ont encore la notion du sacré, perdue chez nous. D’instinct, ils communiquent avec l’univers depuis toujours. C’est dans leur culture et leur A.D.N.
Nous, nous nous sommes perdus dans la société de consommation.
Nous n’avons plus les vrais repères. Nous sommes en perte de vitesse intellectuelle et en perte de foi. Ce qui n’est pas prouvé aujourd’hui n’existe pas, pourtant la science n’est faite que d’avancées qui semblent évidentes aujourd’hui, mais décriées voire condamnées dix ou vingt ans plus tôt. Pourquoi faut-il établir absolument une vérité ? Pourquoi faudrait-il qu’il n’y ait qu’une seule vérité ? Il peut y avoir deux vérités qui cohabitent. Tu peux avoir la lune dans le ciel et la lune qui se reflète dans l’eau. Pour autant la lune ne trouble pas l’étang dans lequel elle se reflète, et demeure paisible dans le ciel où elle existe. Ce sont deux vérités.
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Dans ces problèmes soulevés, quel est celui qui vous donne le plus d’espérance et où il vous plaît à voir que les choses bougent ?
Ce qui me donne de l’espoir,
c’est en voyant certains groupements de jeunes qui se retrouvent pour nettoyer des plages, entre autres, pour planter des arbres, pour suivre la parole de Pierre Rabhi dans ce qu’il a créé par exemple. Dans la façon dont évolue notre société, il n’y a pas grand-chose qui me remplisse de joie et d’espoir pour l’humain. Il faut être attentif à rester humain dans tout ce qu’on nous présente d’inhumain avec l’intelligence artificielle, tant au niveau de la pensée que dans la manière de vivre.
Ça m’amuse et me terrifie à la fois
d’imaginer la vie à travers des masques pour s’inventer une réalité. Peut-être que dans un jour très proche ça ne sera plus une expérience mais un quotidien. On va être plus que jamais dans le monde de l’illusion. Que va-t-il rester de la vraie vie ?
Nous avons besoin d’espérer qu’il y ait des jeunes qui soient capables de sortir de ce monde artificiel …
Ce sont eux qui ont à comprendre et à agir.
Nous sommes d’une autre époque où on avait beaucoup plus de joie, beaucoup plus de permissions, de liberté. Aujourd’hui, il y a des lois pour tout, qui régissent tout au quotidien et qui font reculer l’humain sans arrêt. C’est douloureux. La Covid est passée par là. Nous n’avons jamais été aussi éloignés, les gens ont peur les uns des autres. Il faut avoir une raison pour sourire, une raison pour dire bonjour.
Moi, je fais de la résistance,
je dis bonjour quand je ne connais pas, je souris quand je ne connais pas. Le sourire est contagieux. C’est dans mon A.D.N. et je ne veux surtout pas m’en priver. C’est une façon de résister à la morosité, à trop de zombies qui parlent tout seuls et qui ne voient pas la personne qu’ils croisent.
La façon de vous exprimer au sujet de vos problèmes de santé a donné une certaine grâce à ces épreuves…
C’est vrai,
très vite j’ai ressenti cette épreuve comme une bénédiction. Quand tu as la chance de connaître le prix de la santé et celui de la vie, c’est un cadeau de te réveiller en bonne santé. Tu peux courir embrasser celui ou celle que tu aimes. Tu peux retrouver tes rêves. Ton corps ne t’empêche plus de courir après ou de les rejoindre. La santé, c’est le premier cadeau parce que tant qu’elle est là tout est possible.
Quand ta santé s’arrête, plus rien ne peut se passer.
Je dis que c’est une bénédiction parce que j’ai compris, jeune, tellement de choses que ça m’a permis de faire des pas de géant. J’ai pu en parler, faire des choix, écrire des livres, des histoires, et exister différemment peut-être à travers mes rôles. Les grandes épreuves ont changé la vie de tous ceux qui les ont passées. Beaucoup de gens qui ont un handicap et qui l’ont dépassé, voire transcendé, ont à cœur de passer le message et l’espoir. Vous connaissez cela personnellement, Christian. Les médecines intégratives, alternatives ont été ma solution pour guérir lors de ma rechute. J’ai eu à cœur aussi de passer un message d’espoir dans mon premier livre : Trouver le chemin.
Certaines circonstances vous ont guidée vers un maître. Est-ce que vous pouvez parler de l’utilité d’un maître ?
Il donne des bases, il aide à mettre des mots précis sur des ressentis et un cadre et des repères dans lequel tu peux évoluer, comme un professeur qui va t’apprendre à écrire, un maître de chant qui va t’apprendre à poser ta voix. Le maître pose la voix de ta conscience.
Vous gardez un lien avec votre maître ?
C’est compliqué parce que c’était Sogyal Rinpoché. Il a été décrié mais pour autant, je ne le renie pas. On peut avoir des doutes sur l’homme mais pas sur l’enseignant qui a énormément apporté au Dharma. Chacun devrait veiller à garder son libre arbitre. Tout maître reste un homme et ce n’est pas parce que tu suis un guide spirituel que tu dois être en dévotion
aveugle. Tout ce que tu apprends, c’est aussi pour identifier et ressentir les choses telles qu’elles sont, les émotions et les êtres. Rester éveillé à tout. La dévotion aveugle privée de tout repère personnel, de tout libre arbitre, est dangereuse. Il faut avoir un minimum d’ego pour aller sur le devant de la scène, pour y arriver. Mais il ne faut pas que ton ego soit dirigé sur ton nombril. Il doit être un ego utile aux autres, c’est important de veiller à ça.
Vous évoquez la difficulté à s’engager dans quoi que ce soit. Où ressentez-vous la difficulté d’engagement ?
J’ai l’impression qu’aujourd’hui « bien faire » rime avec paperasse. Il faut toujours tout justifier. Tu peux difficilement agir en suivant seulement ton cœur. On vient sans cesse te demander des comptes et des papiers à remplir. Le monde administratif est extrêmement présent et l’engagement, la spontanéité sont compliqués.
Les jeunes n’ont pas envie de s’engager. Ils veulent rester libres. Je crois que sans engagement, on ne va pas loin…
Ils n’ont pas envie de s’embêter. On a tout fait pour qu’on soit plus confortable, pour que les choses prennent de moins en moins de temps, pour que ça soit de plus en plus facile.
Pour lire l’article en entier, Reflets n°50 pages 64 à 67