Par Alain Pamart
Le paysage économique mondial compte désormais un acteur devenu dominant et quasi hégémonique : les sociétés, groupes ou consortiums à dimension supranationale couvrant des secteurs complets d’activité et déployés sur une multitude de pays. Ainsi coexistent aujourd’hui d’anciennes grandes entreprises, nationales à l’origine mais ayant connu récemment une très large expansion tant en volume qu’en diversité d’implantation géographique, avec de toutes nouvelles firmes devenues mondialisée en un temps record, certaines avec un quasi-monopole : citons les GAFAM et divers concurrents chinois.
Le rapport de suprématie entre ces entreprises internationales et l’ensemble des États
Confrontés à un rapport de force que conditionne l’échelle de leurs appétences respectives et le niveau de leur réciprocité d’intérêts, les États et ces entreprises vont-ils interagir comme des partenaires ou comme des adversaires ?
Au-delà de la taille parfois assez démente de ces entreprises, leur positionnement et leurs méthodes d’affrontement s’articulent très diversement selon qu’ils s’adressent aux États-Unis ou à une autre nation de moyenne ou de moindre importance. Selon que leur rendement ne dépend plus que de la marge du marché intérieur d’un pays quel qu’il soit, y compris leur pays d’origine, ces trusts s’inscrivent dans une recherche d’autonomie quasi souveraine vis à vis des États.
La relative impuissance conjuguée des États
L’implantation géographique de ce type d’entreprises est déterminée par une recherche systématique du moindre coût corrélée à la prévision d’une marge brute la plus confortable possible. Pour ce faire, elles jouent sur l’atout déterminant que constitue la perspective de création d’emplois tant directs qu’indirects au travers de multiples sous-traitants essentiellement nationaux. Ainsi s’engendre de fait une obligation d’entente, de compromis voire même d’accommodements assez discutables avec les dirigeants nationaux, pouvant aller jusqu’au dumping fiscal.
Enfin, spécificité propre aux pays démocratiques, les gouvernements tributaires d’élections régulières doivent composer avec des firmes gérées sous l’emprise d’une direction unitaire et monopolistique dont la durée s’inscrit sur un temps bien plus long. L’Union européenne ajoute à ces contraintes la sujétion supplémentaire que représente la nécessité a minima d’une syntonisation entre les États.
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La coopération entre États devient un impératif pour contrer la coalition des grandes entreprises
Les ensembles transnationaux s’agrègent dans un déploiement titanesque au sein d’un vaste réseau d’entités distinctes de filiales et de sous-traitants disséminés géographiquement au seul gré de leur propre discriminant stratégique. Par contraste, le champ d’action des États est devenu plus complexe et assez incertain compte tenu de la déconnexion de leur espace national avec la zone d’influence de ces firmes internationales. La volonté politique est ainsi lourdement handicapée par les transferts de capitaux effectués par les multinationales, générateurs de redistributions hétérogènes et peu légitimes de richesses au niveau mondial. Hors de toute considération éthique, ils contribuent à leur permettre de s’affranchir toujours plus ostensiblement des politiques publiques des États.
Pour les États qui tentent de faire de la résistance
Pour les États qui tentent de faire de la résistance, la marge de manœuvre est réduite, sinon inopérante. La flexibilité des entreprises, leurs normes managériales de gestion s’opposent en effet à la rigidité naturelle des politiques publiques. Le caractère extraterritorial des problématiques souligne de manière patente l’inadaptation des outils de gouvernance d’un monde où le poids respectif des États est contrebalancé défavorablement par celui des entreprises transnationales.
À l’évidence, établir un consensus international devient urgent pour mettre un frein à la dérégularisation galopante en cours par l’instauration de concepts fédéraux portant tant sur le droit des sociétés que sur les principes d’autonomie juridique, de responsabilité et d’encadrement d’entités qui s’interposent habilement en ‘illégitimité’ tout en restant en apparence dans la légalité stricte.
Verra-t-on enfin dans un avenir proche l’élaboration d’une charte associant une très large majorité d’États pour instaurer des normes générales, uniformément applicables ou a minima convergentes ? Sans surprise, dans les régimes démocratiques, la dimension électorale affectera le niveau d’arbitrage auquel les entreprises, et plus encore les dirigeants politiques, devront se rallier de façon combinée et opportune.
Pour lire l’article REFLETS n°39 pages 7 à 9