Écriture inclusive : pour plus d’égalité ?
Augustin Luneau
L’écriture inclusive, projet de réforme de la langue française reposant sur des attentions graphiques et syntaxiques, a récemment déclenché des débats passionnés : l’Académie Française crie à la mise en péril mortel de la langue quand d’autres voient une nouvelle arme, un nouveau moyen de lutter contre les inégalités hommes-femmes. Rien que ça !
Quelles sont les idées qui s’opposent ? D’un côté, les féministes qui défendent l’égalité entre les femmes et les hommes, partant du principe que le langage formant les mentalités, le principe « du masculin qui l’emporte sur le féminin » serait à l’origine des inégalités entre les femmes et les hommes. Selon elles, cette règle induirait des représentations mentales nous conduisant à accepter la domination d’un sexe sur l’autre.
De l’autre, les académiciens, investis de la noble tâche de codifier les évolutions et innovations de la langue et d’en défendre la lisibilité et l’esthétisme. Selon eux, l’écriture inclusive dénaturerait, complexifierait et enlaidirait la langue française, en perturbant la lecture, l’apprentissage, et l’économie (dans le sens de la sobriété) de l’écriture.
Mais qu’implique-t-on quand on nous apprend que le masculin l’emporte sur le féminin ? Est-ce vraiment le sens de lutte, de victoire, de suprématie qu’il faut accorder à l’expression ?
Ou bien le terme « l’emporter sur » ne serait-il pas tout simplement mal interprété ? La grande époque du féminisme revendicatif des années 1960-1980 dénonçait l’inégalité des lois, mais aussi les inégalités culturelles, et a efficacement contribué à remettre en question le rôle de la femme dans la société ; nous en sommes aujourd’hui redevables. Mais il semblerait que la notion d’égalité atteigne ses limites quand elle pour plus d’égalité s’aventure à quantifier, à compter, à comparer.
(…)
Et notre si belle langue dans tout ça, mérite-t-elle ce débat ? Les féministes ne seraient-elles pas en train de la rabaisser à une bataille avec laquelle elle n’a rien à voir ? Lancer le débat contradictoire de la réforme de la langue sollicite des énergies d’opposition, de désaccord, là où l’on pourrait se demander ce qui différencie un homme d’une femme et comment donner autant de valeur à la part féminine qu’à la part masculine, plutôt que de les vouloir égales ! Ne serions-nous pas en train de confondre égalité et même importance ?
La quête utopique et physiologiquement impossible de l’égalité homme-femme dissimule le besoin de gommer les différences. Chercher à rendre l’homme comme une femme et une femme comme un homme manifeste la difficulté à vivre sa singularité. N’est-ce pas dans cette direction que se trouve la vraie solution, la complémentarité ?
Pour lire l’article en entier Reflets n° 27 pages 10 et 11