Donner la vie n’est pas une petite affaire.
Être parents…
Existe-t-il un lien spirituel plus fort que celui-ci ? Aucun d’entre nous n’est au monde pour n’y rien faire. Chacun a une tâche, un devoir spirituel qui commence dès la naissance. En effet, comme déplacer une pierre dans le désert du Sahara en change la configuration, l’individu qui naît change le monde. Et il vivra aussi longtemps qu’il pourra le changer. Mais comment un individu peut-il changer le monde ?
Chacun d’entre nous naît de deux groupes
eux-mêmes issus de deux groupes et le tout forme un système qui est infini, qui implique tout l’univers. C’est en faisant évoluer l’histoire de ses familles que chaque individu participe à la grande tâche, la résilience de l’humanité, je devrais peut-être dire sa guérison.
Chacun d’entre nous insémine, porte et enfante le groupe dont il est issu.
La question du transgénérationnel
est très souvent abordée par ses aspects négatifs, cet héritage parfois pathologique, souvent pathogène. Les cryptes contenant les secrets de famille, l’histoire traumatique enfouie sous des récits imaginés, inventés pour servir de couvercle à des tombeaux qui ne peuvent être vraiment refermés, tant les souffrances des ancêtres sont encore présentes et s’invitent dans la vie des présents. Ces douleurs qui ont été refoulées, cette accumulation de dénis conditionnent notre quotidien, canalisent nos décisions, musèlent nos aspirations.
Nul ne naît sans histoire.
Les plus conscients cherchent à comprendre et à réécrire leur histoire pour que le récit soit l’expression de la vérité, les autres s’accrochent à des idées, des quasi-convictions ou des manies, voire même des obsessions pour combattre jour après jour ce qu’ils ne comprennent pas, pour lutter avec les fantômes de leurs ancêtres, ceux-là mêmes qui leur ont donné la vie et qui ont tant besoin d’aide.
Car il en est ainsi : des douleurs, des plaies restées ouvertes les retiennent, les empêchent de partir vraiment et ils sont là tout près à attendre un signe de nous. Les avons-nous compris ? Leur avons-nous pardonné les douleurs qu’ils ont laissées passer dans nos vies ? Les avons-nous remerciés pour la vie qu’ils nous ont transmise ?
Transgénérationnel ?
Ce qui traverse les générations. Et c’est la vie qui chemine à travers nous, parents et enfants, et même si ce flux magnifique véhicule des souffrances, y aurait-il plus grande souffrance qu’il s’interrompe ?
Au merveilleux temple Kimpunsen, à Yoshino,
nous avions assisté à une cérémonie de Goma Taki et nous fûmes invités par le supérieur du temple à nous rendre dans une autre partie du temple dédiée à la méditation. Nous nous étions joints à un groupe de pèlerins qui partaient en forêt pour trois ans.
Le prêtre nous demanda de commencer à méditer
puis, quand nous eûmes atteint un certain degré de concentration, il nous pria d’appeler nos ancêtres pour qu’ils viennent méditer avec nous, tout d’abord ceux que nous avions connus puis ceux que nous n’avions jamais rencontrés, ceux dont nous n’avions jamais entendu parler.
Au bout de quelques minutes,
l’atmosphère du lieu était chargée d’une puissance et d’une sérénité qui semblaient immobiliser le temps. Nous étions un groupe de quinze et les pèlerins moins d’une vingtaine, mais tous ceux qui ont vécu ce moment rendent compte de la même sensation, je devrais dire de la même conviction : nous étions soudain des centaines.
Je rencontrais ce jour-là des défunts
dont je n’avais jamais eu conscience.
Nous leur sommes redevables de la vie. Je ne dis pas qu’il faut être loyal à ce qui peut nous avoir blessé profondément mais il faut faire des choix, en notre âme et conscience.
Au niveau psychique,
certains héritages sont inacceptables
et nous ne sommes pas obligés de les accepter. Des familles transmettent l’inceste, le meurtre, le suicide par des silences, par des atteintes corporelles qui peuvent aller d’une simple pathologie à des malformations, ou une incommensurable dépression qui clôt les
bouches, écrase les sentiments. Mais, si l’on a le courage de pénétrer en soi jusqu’au niveau le plus vrai, celui où rien ne peut mentir, où aucune duperie n’est possible, pas même en étant son propre tricheur, l’on est capable de séparer ce qui nous a été donné de malheur et de s’en détacher pour conserver ce pourquoi l’on doit toujours de la reconnaissance, la vie et l’amour, quand il y en a
eu malgré tout. En effet, parfois, dans le véhicule transgénérationnel voyagent côte à côte le pire et le meilleur.
Faire le tri du bon grain et de l’ivraie,
ce n’est pas mettre les bons d’un côté et les mauvais de
l’autre, c’est travailler suffisamment fort avec son
âme pour délivrer ceux qui nous ont précédés du mal qu’ils nous ont transmis.
Les répétitions qui font ressurgir le drame de génération en génération ont une raison d’être.
On répète pour pouvoir modifier le cours de l’histoire du groupe quand celle-ci comporte de la souffrance. Essayer d’approcher cette histoire uniquement avec une conscience raisonnante, c’est-à-dire en ignorant la puissance des émotions qui ont été enterrées avec les cadavres de nos ancêtres, c’est se vouer à la répétition et se faire le serviteur du malheur.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 48 pages 24 à 27
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