William Clapier a d’abord été attiré par les voies orientales. Puis il découvre la Bible, se rapproche de l’ Église catholique. Il entre dans l’ordre du Carmel en 1984. Il enseigne à l’Institut catholique de Toulouse. En 2007, il quitte l’état religieux. Passionné par les débats humanistes, sociétaux et inter-religieux, il s’investit dans des associations relatives à ces sujets. Il participe au livre collectif Devenez pionnier du nouveau monde sous la direction de Laurent Muratet, éd. Jouvence.
L’état de crise généralisé interpelle désormais toutes les consciences. Consenti ou contraint, un changement de notre société semble inéluctable. Vers quel horizon nous acheminera-t-il ? Le devenir de l’histoire humaine, que d’aucuns annoncent calamiteux, n’est pas écrit. Le stylo est entre nos mains. Comment le tenir avec foi en la sacralité de la vie et humanité à l’égard de tous nos semblables ? Disons-le sans détour : relever les immenses défis des crises systémiques actuelles ne pourra se réaliser sans une transformation civilisationnelle que seules les forces spirituelles peuvent assumer.
CE N’EST PAS FACILE D’ENTENDRE QUE CE CHANGEMENT EST INDISPENSABLE
Changer notre monde, c’est d’abord prendre conscience de ses dérives destructrices du vivant, de les identifier. Par conséquent, d’être sérieusement informé de leur gravité et plus encore de valider les données scientifiques sur ce sujet. Or force est de constater que « nous ne croyons pas ce que nous savons » . Pourquoi les alarmes des communiqués du GIEC ne provoquent-elles pas les réactions adéquates au sein des classes dirigeantes comme au sein de la population ? Par-delà les biais cognitifs et autres « gestes barrières » psychologiques face au drame écologique, les effondrements en cours et ceux à venir sont les symptômes d’une surdité spirituelle au principe d’une éclipse éthique perceptible jusqu’aux plus hautes sphères de la finance et de certaines élites politico-économiques .
ACTER L’URGENCE D’UN CHANGEMENT DE VOIE
Parallèlement aux appels à descendre dans la rue, à s’engager dans différentes actions et mobilisations, la radicalité de la situation présente nous presse avant tout à descendre en soi, à entrer au-dedans de soi pour réaliser l’œuvre majeure de l’éveil et de la conversion de notre esprit, sans laquelle nous ne pourrons guère modifier nos habitudes de vie outrageusement consuméristes et inégalitaires. Changer de cadre de pensée, de paradigme culturel, voilà la grande urgence. « Nous avons bâti un système économique qui correspond à des idées, écrivait en 2013 Dennis Meadows à propos du défi écologique. La vraie question est de savoir comment nous allons changer d’idées ». Indubitablement, « ce qui arrive maintenant nous met devant l’urgence d’avancer dans une révolution culturelle courageuse » , de poser les bases d’un monde autre que celui que nous connaissons. Un monde dont les priorités ont l’évidence de la simplicité : le respect de tout être humain et la protection des écosystèmes naturels. La conversion-révolution, à laquelle l’humanité du XXIe siècle est appelée, sera humaniste et écologique ou elle ne sera pas. Concrètement, comment collaborer à ce qu’il convient d’appeler – plus qu’un changement – une mutation de notre monde ?
UN RAFFERMISSEMENT SPIRITUEL DE NOTRE EXISTENCE
Alors que les avis de tempêtes sociétales ne cessent de se multiplier, que nous préconise la sagesse de l’Évangile ? Au terme de son discours inaugural, son « sermon sur la montagne », Jésus décrit dans une parabole l’attitude résiliente à cultiver, dont la portée est universelle : « Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite » (Luc 6, 47-48).
« Creuser très profond et poser les fondations sur le roc », c’est écouter, par tous les sens et les fibres de son être, ce qui se donne à voir, à percevoir, à entendre de la parole-présence du Christ en tout être vivant, humain et non humain : « Je Suis en tout ce qui est ». Quel est mon regard et mon comportement à l’égard de ce qui est, vit et respire ? Là réside l’âme de la contemplation au principe de l’amour du vivant et l’épicentre de la force motrice d’un changement réel, profond et durable. Autrement dit, « avoir une âme de pauvre », « être affamé et assoiffé de justice », « être miséricordieux et artisans de paix », « sel de la terre » et « lumière du monde », « aimer ses ennemis », « faire l’aumône, prier et jeûner en secret », ne point amasser ce qui est éphémère mais vivre dans une heureuse sobriété pour ce qui demeure en vie éternelle, prier avec foi, ne point juger et enfermer autrui dans une vue négative, faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils nous fassent… toutes ces déclinaisons pratiques d’une existence vécue dans l’esprit de l’Évangile supposent un courageux et persévérant labeur de fond. Ne nous y trompons pas, l’acte primordial auquel Jésus nous appelle pour résister aux secousses des crises sociétales et transmuer leur violence en énergie créatrice est un raffermissement spirituel de notre existence par la vertu d’une écoute silencieuse et contemplative, cohérente avec ce qui a été entendu. C’est cela « creuser très profond » et bâtir sur le roc » de la présence-parole du Christ. Faute de quoi, l’effondrement ne sera guère évitable.
Pour lire l”article en entier ,REFLETS n ° 42 pages 39 à 41