Avoir un cancer, être cancéreux, deux aspects d’être confronté à l’ESSENTIEL – Docteur Christine Winand
Pendant ses études médicales, on lui découvre un cancer de l’utérus. Opérée et guérie, le Dr Christine Winand a débuté sa vie professionnelle en exerçant aux quatre coins du monde. Elle a travaillé au sein d’une organisation humanitaire, dont deux ans en Bolivie dans l’hôpital le plus haut du monde au service des indiens Quechua et deux ans au Cambodge, peu de temps après la signature des accords de Paris. Médecin des Actes depuis 2005, sa recherche s’est focalisée sur la profonde singularité de chacun en matière de soin de santé.
Avoir le cancer ne dure souvent qu’un temps grâce aux prouesses de la médecine moderne. Être cancéreux, c’est tout autre chose. C’est reconnaître que la tumeur n’est que la pointe d’un iceberg en souffrance extrême. Avec le cancer, la mort rôde, la vie doit impérativement avancer d’un pas. Patient et médecin des Actes forment pour chaque malade un couple de chercheurs de sens. Il n’y a pas deux suivis identiques. Être diagnostiqué cancéreux c’est tout à coup se découvrir mortel et les progrès de la médecine ne changeront jamais rien au coup au coeur, à l’âme qui se déchire, à l’être subitement liquéfié. Le malade s’effondre, se raidit, nie, relativise, prie ou maudit la terre entière. Quelle que soit la palette des réactions, le patient sait dans son for intérieur que quelque chose se meurt. Seconde d’éternité de densité maximale où passé, présent et futur se télescopent : la vie est inévitablement perçue autrement. Cet instant hors du commun sera souvent oublié. Il laissera une trace plus ou moins déterminante ou bien sera l’amorce d’une démarche de sens à la vie à la mort. Ce n’est plus la quantité qui compte, mais l’intensité de la rencontre avec soi-même, surtout là où ça hurle de nécessité d’évoluer. Impérieux besoin d’amour-propre pour cet être qui sombre corps et âme. Le temps est irrémédiablement compté, même si cela se chiffre en années, l’essentiel étant toujours de vivre pleinement ce pour quoi chacun est fait.
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La maladie n’est pourtant jamais le mal, moins encore une punition. Elle est simplement le reflet impitoyable de ce qui souffre au fond de soi-même et n’aspire qu’à évoluer. Indication sans concession de ce qui doit être traité en priorité. Avec le cancer, la vie est toujours en danger, la mort n’est qu’à deux pas. Mort du corps, bien souvent retardée grâce aux performances de la médecine, mort de l’âme aussi, trop souvent ignorée. La régression a aussi lieu dans l’esprit, à l’image de l’involution mortelle des cellules cancéreuses. Si avoir un cancer peut se conjuguer au passé, être cancéreux reste au présent aussi longtemps que l’être intérieur n’aura pas fait le pas attendu.
Lire la totalité de l’article…REFLETS n°15 pages 27 à 29