AU CŒUR DE L’OCCIDENT MYSTIQUE
L’amour est le maître mot de la spiritualité chrétienne.
Dieu est amour nous dit la deuxième épître de l’apôtre Jean. Mais bien d’autres versets de la Bible nous mentionnent explicitement cette origine abyssale. Le psaume 63 nous le dit également quand il écrit que l’amour du Seigneur est meilleur que la vie. Cette source « divine » est donc inconnaissable, possède une énergie phénoménale et cosmique. Si Dieu est la substance même de l’amour, ce dernier est alors le point origine de la création et de l’univers. Il est au début de l’histoire de l’homme et de la femme et donc du vivant divinisé.
L’amour est un fil conducteur qui relie ainsi chaque verset biblique. Il est la Bible au cœur de la Bible. Il est fort comme la mort et rien ne pourra l’éteindre comme le Cantique des Cantiques nous le rappelle en disant qu’il est une flamme du Seigneur que les grandes eaux ne pourront jamais submerger.
Mais la question nous vient Immédiatement à l’esprit. Qu’est donc le contenu de ce terme ? Une attraction entre deux êtres, un don inconditionnel, une force énergétique reliant le vivant, un potentiel dynamique, une source de vie ?
Cette chronique sur le cœur de l’Occident mystique a déjà illustré, par exemple avec Hadewijch d’Anvers, l’intense puissance de l’Amour. Cette impulsion vitale a animé et a transformé la vie de dizaines de générations chrétiennes sous les formes d’une infinie variété. Mais comment approcher au plus près la réalité de cette force toute puissante dans la vie qui est la nôtre ? Et surtout comment l’incarner dans nos vies ? Il ne s’agit pas ici de gloser sur des catégories conceptuelles. Notre recherche est plutôt de dégager des pistes variées qui sont autant de fenêtres sur ce mystérieux continent de l’amour divin miroir du microcosme humain. En illustrations de ces chemins seront données, tout au long de ces articles sur l’amour au cœur de l’Occident mystique, des images concrètes d’hommes et de femmes ayant vécu ce « jusqu’au bout » voire « jusqu’au tout » de l’amour dans des tonalités différentes voire contradictoires.
Amour et passion
L’amour et l’Occident ont depuis longtemps une relation paradoxale à la vie et à la mort. Le couple tragique de Tristan et Iseult est un des mythes les plus ancrés dans notre inconscient collectif si bien analysé par Denis de Rougemont. Il nous amène à une histoire envoûtante et magique qui inéluctablement se termine mal par une sorte de mort programmée. Tel n’est justement pas le cas de l’amour issu de la Parole Christ. Dans cette dernière, l’amour est une fontaine inépuisable de vie éternelle, un lien intime entre les vivants, une communion sans fin et une relation à « Dieu », ou au « Père sans commencement ». La souffrance peut être une étape mais elle se transmute toujours en libération à l’image du Christ ressuscité revenu d’entre les morts. L’amour passion, comme son nom l’indique est coloré de douleur déchirante et mène à une mort symbolique ou physique sans issue. Il n’appartient pas en ce sens à l’héritage du christianisme
L’Éros, une première entrée dans l’amour
L’Éros, dans la spiritualité chrétienne et notamment occidentale, est une pulsion de vie qui est une incarnation du divin dans la chair de l’humanité. Le prélude de l’évangile de Jean écrit que le Verbe ou « Dieu » s’est fait chair. L’inconnaissable s’est fait homme. C’est l’un des plus grands malentendus sur la profondeur de la spiritualité chrétienne qui est avant tout en premier lieu une spiritualité de l’Éros. Bien souvent réduit à une morale puritaine bannissant toute sexualité, la Parole Christ, longtemps subvertie par les hommes ou par les églises, est au contraire l’état humanisé de la présence divine. Nous la portons toutes et tous sur le long chemin de nos vies. « Dieu » est en nous jusqu’à la fin de nos parcours terrestres. Cette présence intime, cette chambre intérieure, sera aussi l’un des espaces où nous pourrons rencontrer ce qui n’est pas nous, l’autre ou le Tout-Autre grâce une empathie particulière, une « Philia ».
La Philia ou l’empathie de l’autre et des autres
La Philia se traduit souvent par amitié. Elle peut l’être naturellement mais elle va bien au-delà. Il s’agit d’une empathie personnelle ou universelle teintée de compassion voire du « don » des larmes. Cette Philia va conduire, notamment en Occident, à une action sur le monde pour aider à en cicatriser les blessures. Innombrables sont les personnes qui ont consacré leurs vies au service d’un autre ou des autres, gratuitement et inconditionnellement ! L’éventail des formes de cette empathie est infini. Elle nous concerne toutes et tous car c’est bien une façon non pas de changer le monde mais tout simplement le rendre plus harmonieux et plus juste.
L’Agapé ou la transfiguration de l’amour
Dans ce sentier sans fin d’un amour qui culmine sur le Mont des Béatitudes, une étrange lumière se dégage. L’amour est toujours là mais il a pris une couleur ou une lumière transparente. Il est devenu inconditionnel et sans retour. Il n’attend plus rien. Il n’est plus que don. C’est bien en ce sens que l’apôtre Paul parle de scandale ou de folie car toutes les limites humaines sont franchies. Aimer ses ennemis, donner sa vie pour ses amis, dépasser son Ego pour s’ouvrir à l’autre sont des frontières effacées. Nous voilà bien arrivés à être un peu plus que nous-mêmes dans une humanité transfigurée.
Les spirituels chrétiens occidentaux, entre bien d’autres les rhénans déjà rencontrés dans ces chroniques, ont franchi ce fini. Il nous limite en masquant notre capacité d’expansion infinie. Il nous mène à la vie différente et subtile d’un homme transfiguré par une énergie qui le dépasse.
L’amour-énergie
L’amour devient alors une énergie pure qui anime l’ensemble de la création. Une toile d’araignée cosmique se tisse reliant toute la création. Corps et esprit deviennent des manifestations différentes mais unies d’une même réalité inconcevable dans nos catégories mentales comme l’enseignait Spinoza (1632-1677). Teilhard de Chardin (1881-1955) élargira encore le propos dans sa propre méditation sur l’évolution de l’homo sapiens comme nous le verrons dans l’article suivant.
http://www.laspiritualitedelabeaute.fr/
Gérard-Emmanuel Fomerand
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