Jacqueline Kelen
Une force intérieure lumineuse et inspirante
Jacqueline Kelen est diplômée de lettres classiques. Pendant vingt ans elle a été productrice d’émissions à France Culture. Elle a publié une cinquantaine de livres consacrés au déchiffrement des grands mythes, aux figures et aux richesses de la vie intérieure. Elle vient de recevoir le prix de la liberté intérieure 2020 pour le livre Histoire de celui qui dépensa tout et ne perdit rien, éd. du Cerf.
Qu’est-ce que la foi ?
C’est un élan, une ferveur, un levain qui oriente et soutient tout une existence, qui donne envie de lutter et de témoigner. Il ne s’agit pas d’un caprice passager, d’une émotion ni d’un sentiment, mais de l’adhésion de l’être entier à ce qu’il ressent comme une certitude, une belle certitude et un bien assuré.
La plupart du temps, le terme de foi, relié à la sphère religieuse, se confond plus ou moins avec une pratique dévotionnelle. Mais, sur le plan terrestre, la foi peut s’exprimer en un parti politique, une association humanitaire, un changement favorable des mentalités. De nos jours, on parle surtout de la foi en l’homme, en ses capacités, en ses inventions et même en sa supériorité qui efface la transcendance divine. C’est alors que, sans l’exercice de l’esprit critique, ce type de foi risque fort de devenir une idéologie imposée à tous, interdisant la richesse et la diversité de la pensée et des comportements humains.
Dans le domaine philosophique et spirituel, avoir foi en quelqu’un ou en quelque chose relève à la fois de l’espérance et de l’expérience. Ainsi, Socrate condamné à mort injustement en l’an 399 avant J.-C. dialogue en prison avec quelques amis et affirme l’immortalité de l’âme. Après sa mort, dit-il, il connaîtra un séjour bienheureux auprès des dieux. « J’ai bon espoir », répète-t-il. Car il ne s’agit pas d’une certitude rationnelle et démontrable, mais d’une évidence intérieure, d’un pressentiment radieux.
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Dans le domaine de la religion, la foi se distingue de la croyance en ce qu’elle est solide
Dans le domaine de la religion, la foi se distingue de la croyance en ce qu’elle est solide, puissante, claire, non fluctuante, et non imposée de l’extérieur (doctrine ou enseignement). La foi est affirmation vigoureuse et joyeuse, contenue dans le mot « Amen » qui termine une prière et qui signifie : il en est ainsi, je l’atteste ; et non pas un souhait : puisse-t-il en être ainsi !
L’apôtre Paul a défini la foi chrétienne dans son Épître aux Hébreux : « La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités que l’on ne voit pas. » (He11,1). Autant dire que la foi des chrétiens est tournée vers l’invisible et la vie éternelle et qu’elle se fonde sur l’existence et la parole de Dieu, un Dieu d’amour. C’est au nom de leur foi que, à travers les siècles, des hommes et des femmes ont affronté menaces et persécutions et ont donné leur vie « pour l’honneur de Dieu », « pour l’amour du Christ ». On les appelle des martyrs, c’est-à-dire des témoins.
Le terme latin fides, d’où vient le mot français « foi », a donné également le mot « fidélité ». La foi véritable requiert constance et persévérance, fermeté d’âme en toutes circonstances. Ainsi, les obstacles à la foi se nomment rationalisme, doute, scepticisme, mais aussi peur, faiblesse et lâcheté.
On croit que la foi spirituelle est un remède aux maux et difficultés de l’existence
On croit que la foi spirituelle est un remède aux maux et difficultés de l’existence, voire qu’elle met à l’abri de tout danger, qu’elle est une parade au malheur. En réalité, la foi a besoin d’être éprouvée profondément, dans les deux sens du terme : elle doit être ressentie de manière irréfutable, inoubliable, et aussi elle doit être mise à l’épreuve, comme au creuset, afin de montrer qu’elle n’est pas illusion, comportement conforme, facilité et agrément. C’est toute l’histoire de Job : cet homme juste mettra-t-il encore sa foi en Dieu alors que toutes les calamités se sont abattues sur lui ?
Il paraît étrange de déclarer que l’on « a » la foi, ou que l’on « a perdu » la foi
Il paraît étrange de déclarer que l’on « a » la foi, ou que l’on « a perdu » la foi, puisque la foi n’est pas un objet que l’on possède, mais une force intérieure lumineuse et inspirante qui rend vivant, fait tenir debout et avancer. Les personnes qui, à la suite par exemple de la mort d’un proche ou d’une grave maladie, disent « avoir perdu la foi », en réalité ne l’ont jamais vraiment expérimentée puisque la foi est justement ce qui permet de résister à tout, ce qui permet de traverser et de surmonter la plus grande douleur. (Je ne parle pas ici de la « nuit de l’esprit », où Dieu s’absente, épreuve capitale décrite par Jean de la Croix et vécue par de grands mystiques, tels que Thérèse de Lisieux et Padre Pio).
La foi demande à être sans cesse éclairée et fortifiée par l’intelligence et par la connaissance. L’étude, la réflexion, le recueillement silencieux sont des apports majeurs. Pour le christianisme, la vertu théologale de la foi résonne avec la vertu cardinale de la force – qui réunit courage, audace, patience et résistance.
Pour lire l’article en entier REFLETS n°38 pages 62 à 64