Donald TRUMP, le jour d’après
Cynthia Schumacher
Donald Trump a franchi samedi 29 avril le cap des cent jours à la Maison-Blanche. Sur la forme, le candidat devenu président utilise toujours la provocation et l’impulsivité pour communiquer. Il continue d’enflammer la toile par ses tweets. « Je suis flexible et je suis fier de cette flexibilité. »
En 2013, Donald Trump avait dénoncé dans des tweets l’intervention de Barack Obama : « Le président doit avoir l’accord du Congrès avant d’attaquer la Syrie – grosse erreur s’il ne l’a pas », avait-il écrit. Deux jours après le bombardement chimique du 4 avril 2017 sur la localité de Khan Cheikhoun attribué au régime de Bachar Al-Assad, le président Trump a ordonné, dans la nuit du 6 au 7 avril, sans accord préalable du Congrès, le bombardement d’une base aérienne de l’armée syrienne située près de Homs.
Sur le fond, le président Trump a déjà changé plusieurs fois d’avis sur de nombreux dossiers concernant les affaires étrangères, ce qui est plutôt inhabituel sur la scène internationale. La relation américaine avec la Russie qui affichait un fort rapprochement entre Vladimir Poutine et Donald Trump s’est fortement dégradée. La Chine, pire ennemie économique du candidat Trump, est devenue une alliée et l’OTAN passe quant à lui d’obsolète à nécessaire selon les jours.
Ces changements d’orientation suscitent des inquiétudes partout dans le monde. « Je suis flexible et je suis fier de cette flexibilité », répond-il, comme il l’a fait quelques jours à peine avant sa décision d’envoyer des missiles contre une base militaire syrienne.
Aujourd’hui, on ne peut que constater que la société américaine est très divisée, voire totalement polarisée. « Il y a ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent. Un chiffre toutefois est particulièrement étonnant : 96 % de ceux qui ont voté pour lui affirment qu’ils referaient le même vote si l’élection avait lieu demain. » (http://www.huffingtonpost.fr/jean-eric-branaa/ mais-ou-est-passe-donald-trump_a_22059807/). Les divisions sont si fortes qu’elles plombent la popularité du président : il stagne à 44 % de bonnes opinions, ce qui est exactement son niveau de départ le 20 janvier, jour de son investiture. Mais, pour être complet, le président n’a aucune marge de progression : sa cote d’impopularité a brutalement bondi de 44 % à 54 %.
Le 45e président des États-Unis d’Amérique qui avait promis dix lois majeures en 100 jours dans son plébiscite pour l’« America First », affronte pour l’heure l’épreuve du monde politique. Aucune de ces dix lois majeures n’a été adoptée et seulement une seule est passée devant le Congrès, la réforme de l’Obamacare, avant d’être invalidée. C’était également une de ses promesses de campagne : le nouveau président a pris la décision de fermer de manière sélective les frontières des États-Unis. Un premier décret, le 27 janvier 2017, refuse tous les réfugiés et ressortissants de sept pays. Accusé musulmans de discrimination envers cette religion, ce texte décrié comme un « Muslim Ban » a été bloqué par la justice fédérale.
Et sans majorité,pas de lois…
La promesse d’édifier un mur de 1 500 km à la frontière du Mexique dès le début de son mandat a pour l’instant échoué, le projet de loi ayant fait face à un double refus, celui des démocrates et celui des républicains au Congrès. Donald Trump s’est heurté à la dure réalité d’un système politique et démocratique qui repose sur la Constitution des États-Unis d’Amérique. Cette constitution prévoit un partage strict des pouvoirs entre trois branches principales : une branche législative qui fait la loi, une branche exécutive (le président) qui l’applique, et un pouvoir judiciaire qui s’assure que tout se fait dans les règles.
Ce sont bien les contre-pouvoirs de la Constitution qui bloquent aujourd’hui Donald Trump. En guerre frontale contre les démocrates, il n’arrive pas non plus à convaincre son camp chez qui il garde de nombreux opposants suite aux primaires du parti. Et sans majorité, pas de lois…
Si les contre-pouvoirs institutionnels jouent efficacement leurs rôles (c’est un juge fédéral d’Hawaï, Derrick Watson, qui a suspendu, quelques heures avant son entrée en vigueur prévue le 16 mars, une nouvelle version amendée du « Muslim Ban »), on peut souligner que la situation actuelle met en exergue leurs rôles. Le Congrès va-t-il fléchir et permettre au président de mettre en place sa politique (une de ses branches, la Chambre des représentants, a abrogé l’Obamacare en mai 2017) ? Ou bien va-t-on vers une procédure « d’impeachement », suite éventuelle au limogeage du directeur du FBI qui venait d’accélérer l’enquête sur les soupçons de liens entre la Russie et l’équipe Trump ?
Une partie du monde civil s’est engagée en première ligne pour promouvoir un discours différent de celui de l’administration Trump. Les médias et les personnalités influents du pays l’ont bien compris et forment une coalition pacifique qui lutte activement contre les idées du nouveau président. On peut citer en particulier le New York Times et son directeur, Dean Baquet, qui en plus de défendre la véracité des reportages de la presse, n’hésite pas à qualifier de « mensonges » les contre-vérités avancées par Donald Trump. Un désamour avec la presse qui a culminé en avril 2017 lors du repas annuel des correspondants de presse de la Maison-Blanche auquel, pour la première fois depuis qu’il existe, le président en exercice ne s’est pas rendu.
Autre fait rare, huit lauréats du Nobel d’économie (comme Angus Deaton de l’université de Princeton, prix Nobel 2016 et Oliver Hart de l’université de Harvard) ont publié avec 370 autres économistes une lettre ouverte sur les risques pour l’Amérique de la politique économique prônée par Donald Trump.
À Hollywood, Meryl Streep, Alec Baldwin, Stephen King usent de leur célébrité pour faire entendre leurs opinions divergentes.La population reste mobilisée dans des actions de manifestations pacifistes qui détonent face à la violence des propos et à l’attitude du 45e président des États- Unis d’Amérique.
Deux forces se conjuguent en face de Trump. D’un côté, cette opposition intelligente, non-violente qui dénonce l’égoïsme. D’autre part, une opposition plus frontale de ceux qui subissent ou risquent de subir les effets des décisions du président (Obamacare).
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Pour lire l’article en entier, Reflets n° 24 pages 24 à 25