Dans le bouddhisme, pas de coupure
entre la spiritualité et le travail,
entre la vie et le travail.
Soeur Hài Nghiêm
Soeur Hài Nghiêm est enseignante du dharma. Elle réside dans un monastère bouddhiste, la Maison de l’Inspir, situé à Noisy-le-Grand (93), dans la tradition du maître Thich Nhat Hanh.
Quelle est la place du travail dans l’existence humaine ?
Pour notre communauté 1, le travail et le service à autrui s’inscrivent dans un équilibre avec l’étude spirituelle, la pratique spirituelle, la détente (le loisir et le repos). Ce sont les quatre piliers : en vietnamien hoc, tu, lam, choi ou en anglais study, practice, work and play.
Le travail est la continuation logique et naturelle de la méditation
Le travail est une expression de l’éthique bouddhiste, à savoir l’action juste et les moyens d’existence justes. Sur la base de notre compréhension de la souffrance de nous-mêmes et du monde, de notre compassion, nous sommes motivés par un profond désir de soulager la faim, la maladie, la misère, les familles brisées, d’empêcher la violence, la guerre, l’injustice sociale… Donc nous passons à l’acte et nous nous engageons dans la société plutôt que de rester indéfiniment sur le coussin de méditation. En cela le travail n’est pas pour nous une corvée, un labeur, une souffrance de plus, il est au contraire la continuation logique et naturelle de la méditation. Nous appelons d’ailleurs les tâches réalisées dans notre communauté des méditations du travail, puisque nous les effectuons toujours avec pleine conscience, en apportant toute notre attention et notre présence aux gestes de ces travaux : faire le ménage, cuisiner, utiliser l’ordinateur, jardiner, faire de la maçonnerie, etc. Il n’y a pas de coupure entre la spiritualité et le travail, entre la vie et le travail.
Dans le travail : se poser certaines questions
Dans une tâche on peut très bien réaliser l’éveil, la sagesse, l’amour. Il est nécessaire d’apprendre à se reposer en même temps que l’on travaille, à intégrer l’attention à la respiration et la relaxation aux heures quotidiennes de travail pour éviter la lassitude, le stress, le burn-out… Il est aussi nécessaire de se poser certaines questions : dans mon travail, est-ce que je ressens de la joie ? Les relations avec mes collègues sont-elles soignées ou bien négligées à cause de la pression des délais ? Qu’est-ce qui compte le plus, la qualité de ces relations ou les résultats en termes de productivité ? Le travail finit-il un jour ? Quelle est l’empreinte de mon travail sur le monde ? Donnet- elle une chance d’existence et de bien-être aux générations futures ? Est-ce que je prends soin de mon corps dans les heures en dehors du travail ? Comment est-ce que je profite du temps passé avec mes proches pendant mon temps libre ? Mon salaire m’appartient-il ? Cet argent fait-il mon bonheur et celui de mes proches ?
Comment voyez-vous les temps à venir avec la robotisation remplaçant autant le travail manuel qu’intellectuel ?
Sur la question de la robotisation, je dirais qu’il est sans doute très grand temps de nous réveiller et de nous rappeler le fait qu’avant d’être des génies de la technologie, les êtres humains sont encore des animaux. Nous faisons partie intégrante de la nature organique, il ne nous est pas (encore ?) possible de nous appuyer uniquement sur un monde minéral et hors-sol pour survivre. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la nourriture que nous ingérons et la médecine qui nous soigne sont tirés directement de la nature et non des robots. Ce sont les humains et non les robots qui éprouvent le besoin de ces éléments naturels pour vivre.
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Pour lire l’article en entier , Reflets n° 26 pages 59 à 61