Connue en Occident sous le nom d’Artemisia annua, Qing Hao est une plante aromatique prescrite en Chine depuis plus de 2300 ans comme puissant remède contre le paludisme. La plupart des décès liés au paludisme, la maladie la plus mortelle de la planète, pourraient sans doute être évités si l’ensemble des personnes vivant dans les régions à risque consommaient quotidiennement de la tisane d’Artemisia annua. Elle a fait récemment l’actualité, car elle a été utilisée avec succès pour prévenir des attaques virales dans plusieurs pays africains, à Madagascar ou au Vietnam, ce qui a contribué à limiter dans ces pays les décès dus à la Covid-19. Au scandale de l’OMS et de l’industrie pharmaceutique. Son histoire vaut la peine d’être contée.
Un remède né de la guerre du Vietnam
La malaria provoque 450 000 morts par an, dont 90% sur le continent africain. Un enfant en meurt toutes les deux minutes. Pendant la guerre du Vietnam, elle frappe tous les soldats. Les militaires américains consomment de la chloroquine, médicament chimique dérivé de la quinine issue du quinquina, ou de la méfloquine ou lariam, qui cause de graves effets secondaires.
Les soldats vietnamiens, eux, dépourvus de traitement, meurent en grand nombre. Ho chi Minh appelle à l’aide Mao Zedong qui lui fait parvenir des ravitaillements entiers de qing hao ou artemisia annua. Le remède fonctionne. Les soldats vietnamiens résistent à la malaria et remportent la guerre. Depuis, artemisia annua est intégrée à l’alimentation des Vietnamiens, en décoction, infusion, poudre, ou en légume.
Un programme chinois contre le paludisme
En 1967, Mao Tsé Toung initie un programme secret de recherche sur le traitement du paludisme, afin d’isoler les molécules actives des plantes médicinales de la tradition chinoise, parmi lesquelles l’Artemisia annua. Responsable des recherches, le Dr Tu Youyou isole l’artémisinine qu’elle considère comme son principe actif le plus efficace. Elle recevra en 2015 le prix Nobel de médecine pour ses travaux.
Présentée dans un congrès international sur la chimiothérapie du paludisme en 1981, l’artémisinine intéresse des firmes pharmaceutiques, qui en produisent alors des dérivés semi-synthétiques et commercialisent les premiers médicaments en 1986. Ces copies de synthèse se révéleront pourtant moins efficaces que les synergies du totum de la plante. En effet, l’artémisine naturelle est présente dans ses feuilles, tandis que les flavonoïdes type quercétine sont dans ses tiges ; d’où l’importance d’associer toutes ses parties pour faire la tisane, ou fabriquer la poudre plus efficace que la tisane.
Un substitut à la chloroquine
La chloroquine, jusque-là traitement privilégié contre la malaria, perdant de son efficacité au fil du temps, l’OMS recommande en 2004 l’utilisation de l’artémisinine en association avec d’autres molécules “classiques” (les ACT, ou Artemisinin Combined Therapy). Son succès fait vite croître la demande mondiale, avec son prix. Dans ce contexte, un programme de plantation d’Artemisia annua est lancé à Madagascar, avec des résultats exceptionnels. 10 000 paysans y adhèrent, cette culture leur offrant un meilleur bénéfice que celle du riz. D’autres pays suivent : Cameroun, Sénégal, Pérou. Mais la production sert avant tout à la fabrication du médicament et est vendue à l’exportation. Méconnaissant son usage, les populations n’utilisent pas la plante elle-même pour se soigner.
Des recherches empêchées systématiquement
Un chimiste luxembourgeois à la retraite, Pierre Lutgen, va se passionner pour l’artemisia annua au sein d’une ONG qui accompagne des programmes de plantation en Afrique et en Amérique Latine, avec l’aide du Ministère luxembourgeois de la coopération. L’OMS et les industries pharmaceutiques interviennent rapidement pour mettre fin à ce financement et au programme.
L’association La maison de l’artemisia, fondée par Lucile Cornet-Vernet, reprend le flambeau avec des recherches cliniques menées en France et au Congo par les docteurs Jérôme Munyang et Michel Idumbo, afin de comparer l’efficacité des infusions d’armoise au traitement classique du paludisme. Résultat : l’armoise guérit 99,5 % des crises de paludisme contre 79,5 % avec les médicaments antipaludéens. Avec cette spécificité qu’avec la tisane les parasites ont disparu alors qu’il en reste avec l’artémisinine. Ces études et leurs résultats sont étouffés à leur tour par Big Pharma.
En 2016, le Dr Jérôme Munyang réalise une deuxième étude, en faisant boire de la tisane deux fois par jour, à titre préventif, aux 500 élèves de l’école de son village natal. La consommation en prévention de l’artemisia annua chinoise comme de l’artemisia afra pourtant dépourvue d’artémisinine, démontre une nette efficacité sur l’absentéisme des élèves, moins touchés par le paludisme.
Ces études de terrain en Afrique sont confirmées en laboratoire par le Worcester Polyclinic Institute au Massachusetts. Après y avoir étudié pendant des années l’artemisia annua, Pamela Weathers en conclut que la synergie du totum de la plante favorise l’assimilation de l’artémisinine par le corps, l’armoise annuelle contenant au moins une dizaine d’autres molécules actives contre les parasites. 400 principes actifs ont ainsi été identifiés dans cette précieuse plante.
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