Dans mon métier de kinésithérapeute, je soigne des sportifs de haut niveau ; je connais l’exigence, la rigueur, l’engagement et le talent nécessaires à la réussite de ces champions ou championnes. Nathalie Péchalat fait partie de ces êtres d’exception, avec la grâce en option. Quelle joie ce fut de la voir danser sur cette glace, familière à l’évidence, accompagnée de l’élégant Fabian Bourzat, son partenaire. Vingt trois ans de carrière à glisser avec ses patins, de Rouen à Détroit en passant par Caen, Lyon et Moscou. Une vie de voyages, de déménagements, mêlant amitiés et amours dans son intense vie de patineuse. Et lorsque Nathalie prend la plume, ses écrits, fluides et joyeux, produisent le même effet que son évolution sur la glace.
Son livre Les bénéfices du doute, sorti en novembre 2020, est un régal d’anecdotes, nous transportant de ville en ville, de patinoires en patinoires. Elle ose se livrer en toute sincérité, avec ses faiblesses, ses doutes dans un monde sportif où il est si difficile d’exprimer ses difficultés au risque de se démasquer et perdre sa légitimité de champion. Mais Nathalie Péchalat le souligne dans son livre, « les plus heureux ne sont pas forcément ceux qui gagnent ! » Son palmarès en danse sur glace avec Fabian, de double championne d’Europe, double médaillée de bronze aux championnats du monde, leurs prodigieuses envolées aux Jeux olympiques côtoyant les grandes nations du patinage, résonnent comme un accomplissement.
Quand elle décide de quitter ses patins de compétitrice en 2014, une courte période de doute s’immisce dans sa vie. Sa rencontre avec l’acteur Jean Dujardin, passionné de rugby, leur union et un deuxième enfant à venir « boostent » sa vie. Dans son livre, elle rend hommage à ses parents, à cette maman toujours dans l’action. Les engagements de Nathalie Péchalat, dans les sports de glace où elle devient présidente de la Fédération française en mars 2020, ou encore dans différentes associations, sont sincères et passionnés. Mais elle n’oublie jamais « Mr Doute » qu’elle explique, dans son livre, avoir humanisé. Et c’est tant mieux, car pour notre plus grande joie, elle ouvre une porte vers un monde intérieur agissant pour le meilleur de l’humain. Une excellence qu’elle a si bien fréquentée dans son sport. Nous avons eu le grand privilège de l’interviewer. Son authenticité et son enthousiasme nous ont réjouis
Par Christian Geniller
Nathalie Péchalat, vous relatez votre parcours et vos doutes avec une grande sincérité dans votre livre.
Ouvrez-vous une porte aux sportifs comme une main tendue pour les encourager à se livrer sur leurs faiblesses et leurs difficultés ?
L’envie de faire le livre après plusieurs conférences sur le doute vient de l’idée qu’avec ces connaissances, j’aurais pu gagner plus tôt un confort et un bien-être dans mon quotidien. Mon expérience personnelle et professionnelle peut faire écho à chaque lecteur pour qu’il puisse en retirer ce qui lui est propre.
Tous les sportifs de haut niveau ont des doutes, ce n’est pas au moment où les médias les cueillent. L’objectif est de les accepter, non comme une faiblesse mais comme une force dans un process de gestion. Pour les plus jeunes, mon témoignage vise à les amener à gagner en bien-être sans craindre de douter.
Nous apprenons à gérer nos stress et émotions, mais pas nos doutes. Mon travail a été de m’en servir de manière positive. Dans l’enfance, le doute n’était pas présent, comme inconscient pour moi. Le but du jeu était de bien patiner, de bien faire ses devoirs, bien écouter papa-maman, bien mettre la table et, le reste du temps, de profiter de la vie.
L’adolescence est venue, avec ses enjeux et choix de vie, le doute est apparu. Pour moi, tout se joue entre 15 et 20 ans, dans les chemins de vie que l’on prend. En tout cas, en ce qui me concerne, je m’étais persuadée que cinq ans à bien travailler lors de cette période allaient déterminer mes cinquante prochaines années. L’idée n’est pas, dans ce livre, de raconter mes expériences pour mon ego, mais de réconforter, car dans tous les choix, le doute est présent.
Dans le sport où la performance est très présente, apprendre à mieux se connaître devient un apport pour aller vers une plus grande intériorité ?
Nous sommes toujours dans une course folle dans le haut niveau, à rechercher le résultat, la performance. Il n’y a que le résultat qui compte.
Mais, en fin de carrière, au bout de la ligne d’arrivée, on se rend compte que cela a fait plaisir un temps. Dans le club France pendant les Jeux olympiques, j’ai observé que les plus heureux n’étaient pas forcément les vainqueurs.
Qu’un milieu de tableau qui s’était dépassé ressentait une joie intense. Si c’était simple d’être heureux quand on gagne, ça se saurait. Il y a une expression aux JO qui dit : « Celui qui n’est pas heureux sans médaille ne le sera pas avec ». Le bien-être dépend de multiples facteurs : la préparation de l’après, avoir donné le meilleur de soi, savoir si on relance une olympiade, notre projet de vie. Le cheminement et ce que l’on en a fait est important à la fin.
Je suis catastrophée de voir les jeunes devant leurs écrans s’identifier aux personnages de la « téléréalité » alors qu’ils ne sont absolument pas des modèles ! Ils n’ont pour exemple que la possession et le paraître. Les sportifs de haut niveau véhiculent de beaux projets. Qu’est-ce que je mets en place, moi, correctement, pour atteindre mon objectif ? Mais cela s’applique aussi à la santé par le sport, à la recherche d’une cohésion en équipe. Le bonheur n’est pas le but, mais la conséquence d’avoir donné le meilleur de soi. Et le doute sert à prendre des décisions, à les conforter, les revoir, en assumant ses choix sans regret pour se sentir fier et heureux de ce que l’on fait.
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Pour lire l’article, REFLETS n° 39 pages 72 à 76
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