Bernard Montaud a fondé, il y a plus de trente ans, Art’As, une voie spirituelle. Ses recherches prennent une autre dimension en 1985 lorsque Gitta Mallasz – dernier témoin des Dialogues avec l’ange – vient vivre auprès de lui et de son épouse. En 2006, il crée le Centre des Amis de Gitta Mallasz d’où il transmet son enseignement renouvelé, en France et à l’étranger.
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Quelle est la place de l’alimentation aujourd’hui dans votre vie ?
Elle a la même place que le reste. Elle est simplement arrivée plus tardivement que la sexualité, que mes repos, que les autres secteurs de la vie courante qui étaient entrés tout naturellement dans ma vie spirituelle. Mais elle a la même juste place que tout ce qui la compose. C’est-à-dire que j’apporte beaucoup de soin à ce qu’est pour moi manger juste. Et mon « manger juste » n’est pas le manger juste du diététicien, n’est pas le manger juste du médecin, c’est mon manger juste. Je veux dire que manger juste, pour moi, c’est pratiquer chaque fois que je me surprends à manger faux et m’accepter dans cette erreur. Donc voilà, la nourriture est entrée dans ma vie spirituelle comme d’autres secteurs de la vie y étaient entrés auparavant.
Est-ce que vous êtes partisan de l’alimentation bio ?
Je suis partisan de l’alimentation de là où nous sommes et de ce que nous vivons. Je ne suis partisan d’aucun sectarisme et d’aucun intégrisme ou quoi que ce soit. Je pense que manger est une activité humaine qui, à ce titre, comporte donc forcément nos traces traumatiques, et il nous faut rencontrer celui qui se construit ou se détruit à travers bien manger ou mal manger. Ce n’est pas le bio qui nous fait bien manger, c’est notre histoire acceptée et aimée qui nous fait bien manger. « Est-ce que je vis bien avec mon passé ou est-ce que je vis mal avec mon passé ? » C’est ça qui nous fait bien ou mal manger. Ce n’est pas manger bio ou pas bio. C’est : « Est-ce que j’ai suffisamment dit ‘je t’aime’ ou est-ce que je mange pour compenser mon manque d’expériences amoureuses ou mon manque de déclarations amoureuses ? »
Que pensez-vous des régimes alimentaires ?
Rien de bien. Je pense que l’alimentation comporte deux étages. Un premier étage appartient à un plan de conscience déposé au fond de nous et hérité du monde animal et qui est : manger à sa faim. En Occident, on est rarement confronté à la limite de ne pas manger à sa faim. On est toujours trop en train de manger au-delà de notre faim. Mais c’est un premier niveau d’expérience : « Ai-je mangé à ma faim ? » Là intervient le problème de la satiété, mais qui relève d’une attention à soi-même. Est-ce que je suis présent quand je mange au point de savoir que je n’ai plus faim ? Ou est-ce que je suis absent quand je mange au point de ne même pas savoir que je me ressers alors que je n’ai plus faim ? Il y a donc un problème de présence à soi pendant l’alimentation. Nous mangeons avec notre histoire.
Se nourrir comporte aussi un deuxième étage : c’est l’expérience du plaisir de la dégustation. La dégustation, ce n’est pas pour manger à sa faim, ce n’est pas pour ne plus avoir faim. La dégustation, c’est prendre du plaisir. C’est donc autre chose, et que le monde animal ne peut pas
savourer. L’animal, lui, mange uniquement à sa faim. Alors que déguster, c’est le plan de conscience propre à l’ego, le plan de conscience du « moi ». « Quel est mon plaisir à moi ? Est-ce que je me reconnais dans mon plaisir ? Est-ce que je peux affirmer ma personne dans mon plaisir ? » C’est un peu ce que découvre l’adolescent dans la sexualité : « À partir du moment où j’ai droit à mon orgasme, c’est bien moi. » Le « moi », ici, s’établit à travers mon orgasme, mon plaisir : c’est bien moi. On retrouve le même principe dans l’alimentation. Elle se situe entre ces deux satisfactions : une satisfaction de « je n’ai plus faim » et une satisfaction de « j’ai eu du plaisir, j’ai aimé ».
Est-ce qu’il n’y a pas au-dessus une autre nourriture, spirituelle cette fois ? Vous l’avez évoqué en parlant de vos périodes de jeûne.
Bien sûr. Et je pense que ce n’est pas par hasard que toutes les voies spirituelles invitent à des expériences de jeûne, à des expériences de nourriture contrôlée, à des expériences de nourriture maigre. Je pense que ce n’est pas par hasard que les monastères ne sont pas réputés pour être des grandes tables gastronomiques françaises. Ce n’est pas par hasard qu’il y a une frugalité de l’alimentation pour stimuler l’alimentation divine, l’alimentation de la prière, l’alimentation de la louange, l’alimentation de l’expérience spirituelle. Je crois que quand on regarde bien la nature de l’expérience spirituelle, on s’aperçoit qu’il y a souvent nécessité de sacrifice alimentaire et de sacrifice sexuel pour rencontrer un faire l’amour et un manger ailleurs, faire l’amour avec autre chose et manger autre chose. Donc évidemment qu’il y a des ponts spirituels dans l’alimentation.
Pour lire la totalité de l’article…REFLETS n° 13 pages 34 à 37