Voici un inédit de Gitta Mallasz sur le jeu publié seulement dans les Cahiers d’Art’As en Juin 1991
Je vais vous livrer le secret d’un des Chemins les plus rapides, et c’est mon secret.
Je fais souvent mon petit prêchi-prêcha à qui veut bien l’entendre. Je prêche très sérieusement mon évangile personnel : « Surtout ne te prends pas au sérieux : joue ! »
On m’écoute attentivement parce que j’ai une réputation sérieuse, puis on se détourne avec un soupir : « Elle déraille avec l’âge, la pauvre ! »
C’est peut-être vrai, mais je trouve ma sénilité assez positive…
Si vous saviez comme toute la richesse de la vie est attirée par celui qui joue ! Tout pétille… tout devient léger. Même ce monstre – la mort – me sourit :
« N’aie pas peur ! Par moi un jeu autre, tout à fait autre, un jeu sublime va commencer. »
SI L’ENFANT JOUE, IL S’OUBLIE LUI-MÊME, IL OUBLIE SON MOI.
VOILÀ CE QUE LE NOUVEAU JEU CRÉE.
L’ENFANT QUI NE SAIT PAS JOUER SEUL EST MORT. [157]
Oui, je vous le dis sérieusement, profondément convaincue que le jeu est la Voie la plus directe pour atteindre CELUI qui a inventé le Grand Jeu de la Création.
Mais je le dis en vain. On ne me croit pas. C’est trop simple, voire même simpliste. Aujourd’hui, c’est le compliqué à qui on fait confiance. Pourtant, c’est le compliqué qui étouffe la vie.
Aurions-nous peur de perdre notre importance ?
De perdre le sérieux de notre petite personne ?
Le sérieux de nos problèmes ?
Le sérieux de nos malheurs ?
Jouer est tout juste permis à la maternelle.
Et pourtant :
NOTE QUI SE RÉJOUIT ET DE QUOI.
LÀ OÙ L’HOMME NE PEUT PAS SE RÉJOUIR,
LÀ EST LA POMME. […] [169]
LA POMME DU SAVOIR. [168]
Le Savoir pourrait lui aussi servir la joie de vivre. Mais le plus souvent, il l’enterre…
Quel est donc ce « nouveau jeu » dont tu parles ?
TU ES BALLE ET JOUEUR À LA FOIS. [165]
Qu’est-ce que la balle ? Serait-ce mon être créé, mon être temporel ?
Qu’est-ce que le joueur ? Serait-ce mon être créateur, mon être intemporel ?
Et le jeu ? Serait-ce les deux à la fois, Ciel et Terre unis dans l’acte ?
Oui, je sens que je suis sur la bonne piste… mais il y a un « mais »…
Ah ! j’y suis : ce n’est pas par n’importe quel acte que se fait cette union.
APPRENDS À JOUER, NON PAS AVEC LE CORPS
MAIS PAR LE CORPS. [157]
Non pas « avec », mais… « par » ? Je comprends, c’est clair maintenant. Si je joue avec le corps, mon jeu est gentil, divertissant, superficiel : c’est le jeu de la créature.
Si, par contre, le Maître du Jeu joue par moi, c’est mon Service divin qui s’accomplit.
SI TU POUVAIS UNE SEULE FOIS GOÛTER LE JEU
OÙ TU T’OUBLIES ! [158]
Le jeu avec le corps, c’est l’ancien jeu, le jeu compétitif.
(Il serait d’ailleurs plus juste d’appeler les Jeux Olympiques : Compétitions Olympiques).
Le jeu par le corps… je crois bien qu’il n’a encore jamais existé.
TU VAS INVENTER DES JEUX MERVEILLEUX.
ÉCOUTE BIEN : JE TE SOUFFLERAI À L’OREILLE
DES JEUX TOUT À FAIT NOUVEAUX. [157]
– Mais à quoi les reconnaîtrai-je ?
– Tout se réjouira. La matière… le temps… l’espace… les forces… et le joueur.
LES FORCES TE FONT TOURNER ET TE BALLOTTENT
OU C’EST TOI QUI LES FAIS TOURNER.
GRANDE EST LA DIFFÉRENCE ! [158]
Après ce jeu individuel vient infailliblement le Jeu avec d’autres. Pour moi, le jeu par excellence se fait en Équipe.
Il est plus riche, plus varié en couleurs… plus inattendu. Et la complémentarité des co-équipiers intensifie l’ambiance.
En Équipe, le Jeu divinement vivifiant est possible, mais à une seule condition : que personne ne se prenne au sérieux.
Comment se forme cette Équipe ? Par quelles lois ?
Je crois qu’elle se forme en premier lieu par l’harmonie des voix.
Mais c’est une harmonie qui ne peut être entendue que par la nouvelle oreille.
SI TA VOIX SONNE PURE, SANS MENSONGE,
SANS DÉFORMATION, SANS INTENTION,
SI TU NE FAUSSES PAS TA VOIX,
C’EST SEULEMENT AINSI QUE TU SERS L’HARMONIE. [113]
Mais c’est extrêmement délicat et difficile !
Devrai-je me surveiller dorénavant… être aux aguets… me contrôler constamment… pour qu’aucune intention ne se glisse dans ma voix ?
Mon Dieu ! Je crois que je comprends tout de travers ! Si je me surveillais constamment, je me donnerais à nouveau une fausse importance, même si c’est une importance vertueuse, une importance disciplinée.
TU VOIS LE MIRACLE VENIR
SEULEMENT SI TU L’OUBLIES.
C’EST LE SECRET DES SECRETS. [113]
Dans la vraie Équipe, chacun connaît ce secret.
Dans la vraie Équipe, chacun rehausse l’autre,
le vivifie là où il ne sait pas encore jouer…
là où sa vie ne chante pas encore en lui.
Le jeu tout seul prépare au jeu de l’Équipe.
L’harmonie de l’Équipe prépare au jeu du Grand Orchestre.
Le jeu du Grand Orchestre prépare à la Création.
Une nouvelle symphonie déferle sur notre terre…
Des harmonies jamais entendues résonnent… créent… et s’évanouissent.
D’autres résonnent à leur tour… créent… et s’évanouissent. Et celui qui joue dans l’Orchestre de l’Univers s’oublie dans l’Ivresse de la Création.
VOTRE CHEMIN EST CE QUI N’A PAS ENCORE EXISTÉ :
CRÉATION PAR LA FORCE,
LA FORCE SACRÉE,
FORCE QUI VIENT DE DIEU, QUI RETOURNE À DIEU,
DANS LA JOIE DE L’IVRESSE : CIRCULATION DIVINE. [360]
PS : Je crois qu’en ce moment la cacophonie sur terre est telle que les Anges embauchent même des musiciens débutants… mais de bonne volonté.
Publié dans les Cahiers d’Art’As n°18