Les 6 cadeaux du mourant
à son entourage
Ramon Junquera
Suite à un passé de toxicomane, Ramon Junquera a connu de graves problèmes de santé qui lui ont fait fréquenter à plusieurs reprises la mort de près. Après dix ans de dialyse et une greffe de rein, aujourd’hui encore il suit un traitement pour soigner un cancer du sang. Accompagné par Bernard Montaud dans ses épreuves, il s’est servi de son expérience personnelle pour créer l’association A.D.D.I.C.T qui vient en aide aux personnes souffrant d’addiction. Il est également un membre actif de l’association AAMM.
Si mourir et souffrir riment aisément dans la conscience de l’homme moderne, se peut-il qu’un jour mourir et s’offrir puissent faire de même ?
Pour que cela soit possible, c’est tout le processus de la fin de vie qui doit au plus vite retrouver ses lettres de noblesse dans le débat public, mais aussi dans la sphère familiale où trop souvent, le déni et le sentiment d’impuissance dominent.
À quoi bon parler de ce sujet, se dit-on, cela n’apporte que tristesse et souffrance… alors peu à peu, nous tous en Occident, nous avons mis le mourant et la mort à distance de nos vies et de nos cœurs. Fini les prières, les rites, les veillées, les visites au cimetière, même la Toussaint n’est plus – comble d’humour noir – qu’une journée morte pour la plupart d’entre nous.
Le sacré et le sens ont disparu laissant l’absurde et sa chape de plomb se déposer tels des somnifères sur nos âmes. Nous cherchons ainsi à nous protéger de notre propre chagrin et de notre propre douleur chaque fois que nous perdons un être cher.
Sans juger cette attitude qui n’est que l’expression d’un profond désarroi, notre réalité quotidienne d’homme moderne est ainsi faite. Nous nous sommes désinvestis au sein de nos familles et cercles d’amis de la fin de vie. Pour compenser cette perte nous avons évacué cette responsabilité en laissant faire les entreprises spécialisées en service funéraire.
Nous avons gommé le côté humain de l’expérience au profit de l’efficacité froide du monde des professionnels. Ce sont des articles de loi qui désormais vont statuer sur ce que l’on peut faire ou non en ce qui concerne notre propre mort et celle des êtres aimés.
Et surtout ne jetons pas la pierre aux instances publiques, c’est nous et nous seuls qui avons par faiblesse, et parfois aussi par paresse, fait qu’il en soit ainsi ! Heureusement, les consciences bougent. De plus en plus de personnes sentent que derrière un certain déni, se cache une profonde détresse collective. Celle-ci est due non pas à une quelconque désinvolture mais à une profonde ignorance des enjeux de la vieillesse et de la fin de vie. Espérons que des éveilleurs apparaissent pour nous rappeler que le destin des personnes âgées n’est pas de finir dans une maison de retraite. Sachons déceler le puissant regard d’amour d’un vieux rempli de sagesse.
Espérons que des éclaireurs rallument la flamme d’une connaissance trop oubliée : ne pensons plus que notre destin consiste à mourir seul dans une unité de soins palliatifs ; il s’agit plutôt de rayonner d’amour et de miséricorde entouré de nos proches. Espérons aussi que nos oreilles entendent les paroles de ces éclaireurs, car sans notre écoute aucune évolution ne sera possible.
En attendant que ce mouvement collectif d’éveil ait lieu, nous pouvons encore protéger la dimension sacrée de la fin de vie dans le monde de la foi. Soyons portés par cette dernière pour dire à qui veut bien l’entendre qu’un mourant c’est un géant ! Un géant aux mains pleines de cadeaux !
Mais de quels cadeaux s’agit-il, me direz-vous ? De cadeaux « essence-ciel » ! De cadeaux qui sont destinés à l’évolution de notre espèce et qui se nomment :
– La préciosité de la vie.
Le mourant nous met devant notre propre mortalité et soudain chaque instant prend du goût et de la valeur.
– Le silence qui parle.
Le mourant arrête nos bavardages, désormais l’espace blanc qui sépare deux mots dévoile plus de sens que les mots eux-mêmes.
(…)
Alors, la mort redeviendra ce qu’elle est appelée depuis toujours à être : « un sommet et non un échec de la Vie ! ». Ce jour-là, elle quittera le triste statut d’épouvantail tenant une faux meurtrière à la main pour devenir le dernier rendez-vous d’amour de l’Homme sur terre.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 27 pages 48 à 49