Le GPS du bonheur
Tim Guénard
C’est toujours un grand bonheur de retrouver Tim et Martine Guénard. Ils nous reçoivent, cette fois-ci chez eux, dans la montagne près de Lourdes, où ils ont accueilli tant de personnes en souffrance. L’histoire de Tim est incroyable. Non pas parce qu’il fut un enfant martyr, puis un délinquant et un marginal, mais parce qu’il est parvenu à se libérer de la haine en ayant trouvé le pardon. Il n’a de cesse de propager son message d’amour en sillonnant l’Europe.
Qu’est-ce que pardonner ?
C’est se déparasiter soi-même de ses rancunes, de ses séquestrations. Si on ne peut pas pardonner, c’est que l’on est prisonnier d’une histoire passée. Du coup, on s’empoisonne et on empoisonne les gens autour de nous. Le pardon est une façon de s’alléger. C’est un peu comme un voyage en montgolfière : si tu veux aller plus haut et plus loin, tu dois lâcher du poids et pour moi, le pardon, c’est ça. Si tu te trimbales tout le temps avec tes rancunes, tes tristesses, tes colères, qui sont les amis du non-pardon, tu te mets en état de pollution et tu vis, ce que j’appelle, des petites morts. Le jour où l’on découvre le pardon est déjà un grand cadeau. Découvrir la rancune ou la colère ne pose pas de problème. Quant à la tristesse, c’est presque une respiration naturelle. En revanche, découvrir le pardon, c’est comme si tu recherchais quelque chose dont tu ne connais rien. Le pardon est la plus belle découverte de ma vie. C’est le « déparasiteur » des temps modernes. Nos plus grands ennemis qui nous guettent et nous séquestrent sont les rancunes, les comparaisons, les colères, les « je n’oublierai pas », les « je ne veux plus le voir ». Le non-pardon crée des distances avec le bonheur. Et pardonner, c’est un outil pour s’en rapprocher.
Quelle a été votre expérience fondatrice du pardon ?
Ce sont les blessures avec mon papa qui ont pollué ma vie. La rancune, la colère étaient le moteur de ma vie. Je suis resté handicapé à cause de l’alcoolisme de mon père et je me suis dit que j’allais remarcher un jour pour aller le tuer. Mais, sans connaître Dieu ni même avoir d’apprentissage spirituel, il y avait un paradoxe en moi : j’avais beaucoup de colère mais en même temps, j’étais en tel manque d’amour que je rêvais que mes parents passent dans une machine à laver et qu’ils arrivent tout propres. Il y a des gens qui lavent leurs habits. Moi, j’avais envie de laver mes parents. C’étaient ces petits instants d’étincelles que je vivais, après de grands moments de colère. Sans le savoir, j’étais habité par les prémices de la foi, du divin, du beau, et nous le sommes tous, mais souvent, on refuse d’être beau à cause de nos blessures et de nos souvenirs. Alors il va falloir accepter, non pas de se plaindre mais d’aller faire un câlin au petit que l’on a tous été. Sinon, on va éprouver des manques et on n’est pas fait pour ça. Il y a les dates anniversaires de la naissance mais il y a aussi celles de tes souffrances et tant que tu ne deviendras pas leur ami, elles vont venir taper à la porte et prendre de plus en plus de place.
Le pardon, c’est sculpter son devenir
Le non-pardon peut être un moteur au démarrage. La haine, pour moi, c’était un moteur. Mais le moteur, il s’encrasse. C’est comme si tu roulais dans un tunnel avec beaucoup de circulation, les fenêtres ouvertes. Quand tu ressens de la colère, tu rencontres beaucoup d’autres personnes qui en ont également. On se retrouve alors tous dans le même tunnel, celui de la colère. On se pollue les uns les autres, et on donne de l’énergie à notre colère. On se donne des raisons d’être dans cet état et on est enfumé. Ça nous rend malade, c’est cela la pollution. Donc le pardon, c’est apprendre à devenir l’ami de sa propre histoire. Tu ne pourras jamais rien changer à hier mais ton bonheur se situe aujourd’hui qui prépare demain. Demain, ce n’est pas seulement le jour, ce sont aussi tes deux mains. Le non-pardon te conduit à des peurs et des manques de confiance. Le premier pardon avec soi-même, c’est de dire oui à son histoire.
Et tout cela, vous l’avez trouvé tout seul ?
Oui, sans faire exprès, je ne suis pas un surdoué. Celui qui est perdu, il cherche, mais il ne sait pas chercher. Du coup, c’est dur de trouver. Mais il y a ce que j’appelle la providence. Elle se met sur ton chemin et te guide mais tu ne le sais pas. La découverte que tu as faite, c’est la providence qui te l’a donnée. Je n’ai pas cherché la haine, elle est venue à moi, mais quelque part, je n’ai pas cherché le pardon, et il est venu à moi aussi. Même si Tim Guénard l’a utilisé, ce n’est pas lui qui l’a découvert. D’autres personnes l’ont vécu avant moi et l’ont partagé, et à leur suite, j’ai voulu découvrir mon propre pardon. C’est l’importance des rencontres. Tu ne peux pas aller vers le bonheur si tu n’acceptes pas de découvrir le pardon. Quand on a été blessé, une fois que l’on a fait la paix et que l’on devient l’ami de son histoire, on gomme mais il y aura toujours une petite trace, tout simplement pour nous rappeler le mal que ça nous a fait et pour éviter de le revivre. C’est ce que j’appelle les archives du cœur. J’ai plein de cicatrices physiques qui existaient et qui sont peu à peu en train de s’effacer. J’en suis, année après année, devenu l’ami, à tel point qu’elles s’estompent avec le temps. Le pardon, c’est sculpter son devenir. Ne pas pardonner, c’est rester une pierre, c’est subir.
Le pardon à soi-même, c’est faire un câlin à son histoire.
Bien sûr, certaines situations sont difficiles à pardonner. Il y a beaucoup de petits enfants qui ont été abusés, il ne faut pas leur demander de pardonner. Le premier pardon qu’ils vont devoir découvrir pour survivre, c’est celui pour eux-mêmes afin de ne pas s’accuser, car le risque est grand de tomber dans ce truc-là en se demandant : « qu’est-ce que j’ai fait de mal ? ». Le pardon à soi-même, c’est faire un câlin à son histoire. Il ne faut pas attendre que les gens le fassent à ta place. Il est normal pour les petits enfants de ne pas pouvoir accéder au pardon immédiatement. Ils vont devoir d’abord se « dé-séquestrer » de leur histoire.
(…)
Ne pas pardonner, c’est rester agrippé. Je suis sûr qu’il y a des maladies actuelles qui sont liées à des non-pardons. Le pardon se voit chez certains dans la vieillesse : ils ont des yeux très beaux. Ce sont des êtres de lumière, non pas des êtres de rancune. Ils sont heureux.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 23 pages 21 et 22