Par Marie-Dominique Mutarelli
Au cours de l’année 2018, la situation de l’accueil des réfugiés en Europe s’est encore durcie.
En France, la loi Asile et Immigration votée en septembre 2018 est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Depuis le 2 janvier, la durée maximale d’enfermement en rétention des personnes étrangères a doublé. L’administration dispose désormais de 90 jours – contre 45 auparavant – pour expulser du territoire les personnes privées de liberté dans les centres de rétention administrative (CRA). Cette disposition, très controversée jusque dans les rangs de la majorité présidentielle, marque un tournant répressif sans précédent.
Les 50 000 personnes privées de liberté en rétention chaque année en France encourent désormais trois mois d’enfermement, sans pourtant avoir commis de délit. Les familles avec enfants sont également concernées. Cette violence institutionnelle, qui vient redoubler les traumatismes déjà subis, est dictée par l’obsession de dissuader l’arrivée des étrangers, de réprimer plutôt que de protéger. Elle vise à augmenter le taux d’expulsion des migrants sous le coup d’une mesure d’éloignement, quand l’allongement successif des durées de rétention depuis 1981 n’a jamais apporté de résultats probants. Championne des pays européens pour les « mesures d’éloignement » (plus de 100 000 par an), la France est aussi celui qui enferme le plus. Enfermement, contrôle, répression l’emportent sur le respect des droits les plus fondamentaux, dont celui de circuler librement.
Après deux mois d’application, cette mesure révèle déjà ses effets pervers. Les centres de rétention ne disposent pas de moyens et de personnel suffisants pour gérer ces populations fragiles sur le long terme, en particulier pour assurer un suivi sanitaire et psychologique.
En application de la loi Asile et immigration, le ministère de l’Intérieur prépare en outre la création d’un fichier biométrique des mineurs non accompagnés qui sollicitent la protection des départements. Dénoncé par une dizaine d’associations, ce fichier sera à disposition des préfectures qui pourront l’exploiter, à réception de la décision de rejet de leur dossier, pour prononcer des expulsions.
En Méditerranée, sous la pression du gouvernement italien, l’Aquarius, dont l’action a permis de sauver de la noyade des milliers de réfugiés, s’est vu retirer par le Panama le pavillon qui lui permettait de naviguer. Aucun des pays européens sollicités n’est intervenu pour lui accorder un pavillon de remplacement indispensable pour lui permettre de poursuivre son action humanitaire, mettant fin définitivement à ces actions de sauvetage. Au mépris du code de la mer qui fait une obligation pluriséculaire de sauver les vies humaines en péril, la surveillance des eaux européennes en Méditerranée n’est plus assurée que par l’agence Frontex dont le siège est en Pologne. Ce service fut en effet créé pour protéger la frontière orientale de l’UE de velléités éventuelles de la Russie d’intervenir dans les pays de l’Est. Signe du peu d’empressement des institutions européennes pour une gestion humaine des naufrages à ses portes méridionales.
L’Union européenne délocalise toujours plus à ses marges l’examen des demandes d’asile, en périphérie ou hors des territoires européens, avec les hotspots, les missions de l’OFPRA en Afrique ou les accords de rétention avec la Turquie ou la Libye. Après l’Italie qui a livré des frégates aux gardes côtes libyens pour leur permettre d’intercepter les réfugiés et les ramener en Libye où ils risquent la torture et la détention arbitraire, le ministère français de la Défense annonce à son tour la fourniture de six hors-bord à la marine libyenne au printemps 2019, au scandale des ONG empêchées d’intervenir. Pourtant, dans son rapport de mission en Libye, l’ONU a bien recommandé à l’UE de s’assurer qu’aucun soutien ou coopération avec les garde-côtes libyens ne contribue à ramener des migrants et des réfugiés rescapés en mer sur le territoire libyen. Cette « collaboration » avec les libyens a permis de réduire de 80 % le nombre d’arrivées dans les ports italiens en 2018, et la majorité de ceux qui tentent aujourd’hui la traversée sont interceptés par leurs « soins » ou sombrent dans les flots. Un migrant sur quatorze s’est en effet noyé en mer sur ce parcours au cours de cette année. Au point que le flux migratoire depuis l’Afrique s’est aujourd’hui déplacé majoritairement vers l’Espagne.
Pourtant, dans ce tableau bien sombre, quelques lueurs d’espoir apparaissent. En effet, quelques jours après la conférence intergouvernementale de Marrakech qui a adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, les États membres de l’Assemblée générale des Nations unies ont adopté, le 17 décembre 2018, un Pacte mondial sur les réfugiés qui devrait faire évoluer les réponses de la communauté internationale dans le sens d’un meilleur partage mondial des responsabilités face aux déplacements massifs de populations. Ce Pacte a pour objectif de renforcer la coopération, mais il reste non contraignant. Un soutien plus important sera fourni aux pays où vivent la plupart des réfugiés et sera renforcé pour aider les personnes contraintes de fuir à cause d’un conflit ou de persécutions. Car neuf réfugiés sur dix vivent dans des pays en voie de développement, où les services élémentaires comme la santé ou l’éducation sont déjà sous pression. Le Pacte vise donc à susciter davantage d’investissements pour renforcer les infrastructures et la fourniture de services à destination des réfugiés et des communautés d’accueil. Il plaide pour la mise en place de politiques favorisant l’accès des réfugiés à une éducation et à une vie productive durant leur exil. Il vise aussi à réduire les conséquences environnementales liées à l’hébergement massif des populations réfugiées et promeut le recours à l’énergie renouvelable. Davantage d’options de réinstallation sont prévues, avec d’autres opportunités – réunification familiale, bourses d’études ou visas humanitaires – afin de permettre aux réfugiés de voyager en toute sécurité, leur retour volontaire à terme dans des conditions de sécurité et de dignité restant la solution privilégiée.
Un Forum mondial sur les réfugiés sera programmé tous les quatre ans, au cours duquel les gouvernements présenteront leur bilan ou prendront un certain nombre d’engagements en termes de financement, de politiques, de changements juridiques, de quotas de réinstallation, etc.
Source : www.unhcr.org