Le 17 décembre 2020
Les fonds marins sont pleins de mystères et nous peinons encore à bien les connaître. Pourtant, ils sont déjà menacés par une industrie très controversée : l’extraction minière en eaux profondes. Greenpeace International publie un nouveau rapport dénonçant l’opacité des processus d’attribution des licences environnementales par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM).
Le rapport (ici, en anglais) dévoile qui tire les ficelles, les entreprises qui tireront des bénéfices de l’exploitation minière des fonds marins et celles et ceux qui en subiront les conséquences. Les investigations ont permis d’identifier les propriétaires et bénéficiaires qui se cachent derrière les acteurs privés œuvrant en toute discrétion pour que le plancher océanique soit ouvert à l’exploitation commerciale. C’est tout un réseau de filiales, de sous-traitants et de partenaires douteux qui est mis au jour dans ce rapport. Pour la plupart, les décisionnaires et celles et ceux qui bénéficieront des profits de cette activité controversée sont basés dans l’hémisphère nord, tandis que les Etats qui “sponsorisent” les acteurs industriels privés, donc ceux qui sont juridiquement responsables et soumis aux risques financiers, sont souvent des Etats du sud.
Une poignée d’entreprises et de gouvernements prévoient d’envoyer d’énormes machines sous la surface des océans pour labourer le plancher océanique, perturbant des écosystèmes marins, uniques et fragiles, dans le seul but d’en extraire des métaux et des minéraux rares. Des licences autorisant l’extraction minière en eaux profondes ont été accordées, mais les opérations n’ont pas commencé. Pour le moment.
Voici au moins cinq raisons qui font de l’extraction minière en eaux profondes une très (très) mauvaise idée pour la planète.
1. Le risque de dommages irréversibles sur la vie marine
La communauté scientifique nous alarme : ratisser le fond des océans pourraient causer des dommages irréversibles sur la vie marine.
Les eaux profondes abritent des monts sous-marins auprès desquels se développent des écosystèmes exceptionnels, notamment des coraux anciens et certaines espèces de requins pouvant vivre plusieurs centaines d’années. Ils sont parmi les espèces ayant la plus longue espérance de vie, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux perturbations extérieures, en raison d’un rythme de croissance très lent.
Comme si la destruction des habitats ne suffisait pas, l’activité des machines utilisées pour fracturer le plancher océanique provoquent d’épais nuages de sédiment qui peuvent asphyxier la faune et la flore à plusieurs kilomètres à la ronde. Les navires servant aux opérations minières peuvent également relâcher des vapeurs toxiques dans l’eau, portant atteinte aux écosystèmes sur des centaines, voire des milliers de kilomètres.
Les mammifères marins sont également victimes de la pollution sonore et lumineuse due à cette activité d’extraction minière. Or, certaines créatures d’eaux profondes, habituées à de faibles niveaux de luminosité, pourraient être affectées de façon permanente.
2. Des espèces endémiques menacées d’extinction
Pour certaines, on pourrait croire qu’elles proviennent d’une autre planète. Des “vers zombies” découverts en 2002, à l’anémone transparente pouvant manger six fois son poids en vers, les eaux profondes sont pleines de créatures surprenantes qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Par exemple, sur l’un des sites intéressants les industriels miniers, 85% des espèces vivant près des cheminées hydrothermales ne sont présentes qu’ici.
Pourtant, des licences d’exploitation ont été accordées pour explorer le potentiel minier des cheminées hydrothermales, notamment sur le site que l’on appelle Lost City, en Atlantique nord. Détruire l’habitat d’espèces spécifiquement adaptées à cet habitat, c’est prendre le risque de les voir s’éteindre pour toujours. Il faut des millions d’années pour que les nodules polymétalliques qui intéressent les industriels miniers puissent se reconstituer, et nous ne savons pas si les espèces qui dépendent de ces nodules peuvent survivre sans eux.
3. Affaiblir un de nos meilleurs alliés contre le dérèglement climatique
L’océan stocke une énorme quantité de “carbone bleu”. Il est naturellement absorbé par les animaux marins et reste piégé dans les sédiments des fonds marins pendant des milliers d’années après leur mort, nous aidant ainsi à freiner le changement climatique.
En perturbant les processus naturels qui permettent de stocker le carbone, l’extraction minière en eaux profondes aggrave le changement climatique. Le carbone piégé dans les sédiments pourrait être libéré du fait des perturbations causées par les machines d’extraction. Or, nous savons que nous faisons face à une grave crise climatique, alors pourquoi aggraver la situation nous-mêmes ?
4. Perturber la chaîne alimentaire
L’enquête de Greenpeace a révélé que les entreprises qui souhaitent s’investir dans l’extraction minière en eaux profondes sont parfaitement conscientes de ce risque. Un document ayant circulé lors d’une assemblée générale d’actionnaires de l’industrie minière reconnaît le risque d’extinction de certaines espèces faisant partie du premier maillon de la chaîne alimentaire.
5. Sommes-nous vraiment prête(es) à détruire des trésors sous-marins que nous connaissons encore si peu ?
A ce jour, seul 0,0001% du lit océanique a été exploré. Nous avons encore énormément de choses à comprendre et à apprendre des écosystèmes marins profonds. Il est donc impossible pour des entreprises de prévenir correctement les risques liés à leurs activités d’extraction minière en eaux profondes puisqu’elles concernent des écosystèmes mal connus. Sans protection appropriée des fonds marins, nous pourrions détruire des espèces et des écosystèmes dont nous n’avons même pas connaissance.
Aucun minerais ou métal ne mérite que l’on détruise des écosystèmes que nous ne connaissons pas. Les entreprises qui exploitent ces matériaux pour la fabrication des téléphones portables ou des panneaux solaires doivent investir leurs millions dans des technologies de recyclage efficaces plutôt que de mettre en danger la vie marine pour leurs profits. L’économie circulaire, l’amélioration de la durée de vie des produits et un système de recyclage efficace peuvent permettre de répondre à nos besoins, sans qu’il soit nécessaire de pratiquer d’extraction minière en eaux profondes.
Aidez-nous à préserver les océans en signant notre pétition :
Avec l’autorisation de Greenpeace