Colette Roumanoff nous accueille chaleureusement dans sa maison de campagne avignonnaise pour partager sur Swami Prajnanpad dont elle fut l’une des neuf disciples français. Daniel, son mari, le découvre en Inde en 1959. Colette suit la trace de son mari, les mots de Swami ne la quitteront plus. La Grandeur de l’Homme, livre paru en juin 2020 nous plonge dans l’authenticité des paroles de Swami. La vie artistique de Colette Roumanoff est riche, entre la direction de sa troupe de théâtre et l’écriture. Pendant dix ans, elle accompagne son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. Cette expérience au quotidien l’amène à réfléchir sur cette maladie, en y posant un regard neuf et unique. Ainsi, elle écrit et témoigne pour aider les êtres à mieux vivre avec la maladie. Des ateliers de théâtre pour aidants et soignants, qu’elle anime avec beaucoup de bonheur depuis une dizaine d’années, complètent son action.
Qu’est-ce qui vous a attirés vers l’Inde, vous et votre mari Daniel ?
En 1959, Daniel est parti en Inde en autostop, là où personne n’allait encore, en quête d’un maître de yoga. Il avait commencé cette activité à Paris et en était passionné. Il rencontre alors Swami Prajnanpad . Nous nous marions en 1965, et pour essayer de mieux le comprendre – je n’aimais pas le voir méditer –, je décide de l’accompagner en Inde en 1967. Je portais en moi une question depuis l’âge de 7 ans et j’avais l’impression que je comprendrais beaucoup de choses si j’obtenais la réponse. Je l’ai posée à Swami et en deux secondes je suis devenue disciple à vie. Il a répondu par une autre question et j’ai trouvé en moi une réponse étonnante. C’est cette expérience bouleversante, racontée dans le livre Les Yeux de l’orpheline qui a changé ma vie. Je voulais comprendre mon comportement et là, tout s’est éclairé, la question avait disparu. Je n’ai eu cesse ensuite d’approfondir mes connaissances à cette école de la Vie. Après des séjours réguliers à partir de 1967, Swami, très malade, vient en 1973 passer quatre mois dans notre famille. Il ne donne plus d’entretiens mais m’accorde le privilège d’une rencontre dix minutes par jour.
De quelle manière enseignait-il ?
Il disait qu’il n’avait ni enseignement, ni disciples. Il m’a amenée à plonger dans les yeux de la petite fille que j’étais dix-neuf ans plus tôt, dans ceux de l’orpheline. Pourtant avec deux parents, je vois que c’est moi l’orpheline. Expérience tellement bouleversante. Sans aucun doute, la réponse vient de l’intérieur, c’est concret et réel, en contact avec la Vie. Swami répondait par lettres, dont certaines ont pu être publiées. Des entretiens ont également été enregistrés. Ce corpus de paroles de Swami a permis à Daniel de faire une thèse de doctorat, des présentations, des ouvrages. Arnaud Desjardins a fait connaître largement cet « enseignement » en France et au Canada.
Quelle influence votre vécu auprès de Swami a-t-il eu dans votre vie quotidienne ?
Tout est changé. Les difficultés qui surviennent ne sont plus prises ni regardées de la même manière. C’est tout un mode de vie. Swami est mort en 1974 mais il est toujours présent. Il a semé des graines, certaines comprises plus tard. La maladie d’Alzheimer de Daniel a eu un effet transformateur sur moi. J’ai réalisé que l’autre est différent de moi. « Aimer, c’est comprendre et sentir que l’autre est différent. » C’est très important de réfléchir, non pas dans l’affectif, mais en regardant les choses telles qu’elles sont. Les paroles de Swami ne sont pas solubles dans la Bhakti, la dévotion ou la prière. Qu’est-ce que je veux, moi, concrètement dans la vie réelle aujourd’hui ? C’est à moi de me prendre en charge. C’est ma responsabilité.
Livres…
Alzheimer Accompagner ceux qu’on aime (et les autres), éd. Librio
Le Bonheur plus fort que l’oubli, éd. Michel Lafon
Ateliers théâtre…
Les dates des ateliers pour aidants et soignants Alzheimer sont disponibles sur www.bienvivreavecalzheimer.com
Sites et blogs…
www.bienvivreavecalzheimer.com
Pour lire l’article en entier Reflets 38 pages 72 à 74