
La justice sur-humaine
J’étais hier au tribunal d’instance en tant que partie civile. Je n’imaginais pas à quel point la charge émotionnelle serait forte. La justice oppose systématiquement deux camps. La partie civile, considérée comme la victime, plaignante et en face la partie accusée des faits reprochés. Les avocats de la partie civile insistent sur la responsabilité de la partie adverse. Ceux d’en face la minimisent. Dans ce système il existe rarement une vérité évidente. Le juge fait son estimation après avoir questionné, écouté avec grande attention chaque partie puis tranche. Évidemment lorsqu’on est impliqué dans un des deux camps, les arguments des avocats de son côté ne semblent jamais assez forts et ceux d’en face paraissent fallacieux et tordus.
C’est la justice humaine. Je me garde bien de lui faire des reproches sur le fond, car ce système est à l’image du monde intérieur ordinaire, profane. Il y a à l’intérieur de moi, de chacun, une victime et un accusateur. La victime clame sa souffrance – fondamentalement, je manque d’amour – et accuse un « autre » de ne pas l’aimer assez. Cet « autre » peut être défini comme c’est souvent le cas dans les affaires de justice, ou indéfini : les humains, la nature ou Dieu. Je suis donc ambivalent, successivement victime, accusateur, condamnateur, exécuteur satisfait, puis seul, en manque d’amour et ça recommence.
Mais hier, une autre justice m’est apparue, différente de celle du tribunal. À un moment, j’ai entendu le discret regret de la partie adverse. Cela a suffi pour que j’aperçoive sa souffrance et que j’aie le désir de le comprendre. Je n’étais plus obnubilé par les faits mais par la notion de l’intention. Elle m’a mené à une compassion pour cette personne. Cela m’a conduit aussi à la miséricorde pour ma souffrance. Nous étions deux souffrances pardonnables.
Cette justice sur-humaine n’appartient pas aux tribunaux. Ce n’est pas leur rôle. Elle n’est que dans le cœur de ceux qui cherchent non pas la justice, mais l’amour dont les saints – toutes religions confondues – nous donnent l’exemple.




