N’attendez pas le bonheur !
Jacques Castermane
Qu’est-ce que le bonheur ?
Si je savais ce qu’est le bonheur je pourrais peut-être répondre à cette question. Pratiquant l’exercice appelé zazen depuis un demi-siècle, il m’arrive au cours de l’exercice comme dans la vie de tous les jours, de faire l’expérience de ces moments privilégiés au cours desquels la question « qu’est-ce que le bonheur ? » ne se pose pas. Parce que l’eau étant dans l’eau, la question « qu’est-ce qu’être dans l’eau ? » n’a aucun sens.
C’est l’expérience du contraire qui souligne la valeur du bonheur
Mais ces moments de plénitude, cette impression d’être tout simplement en ordre intérieurement, cette impression d’être au centre de tout et détaché de tout… ne dure pas. C’est même l’expérience du contraire qui en souligne la valeur. Il s’agit donc, si c’est cela le bonheur, d’un état d’être relatif.
En même temps, au cours de la pratique de zazen, un niveau d’être sous-jacent à celui de l’ego (l’ego qui aime et qui n’aime pas, qui veut et ne veut pas, qui désire et refuse, etc.) se présente : — Je suis — dans sa réalité la plus nue. Quand dites-vous « je suis » ? Le sujet de l’acte d’être est le plus souvent encombré d’un ajout : je suis médecin, je suis banquier, je suis maître d’école, je suis malade, je suis divorcé, je suis triste, je suis en retard, je suis pressé… « Je suis ce que je pense que je suis » ne peut pas connaître le bonheur de fond qui participe à cette réalité première, fondamentale : — Je Suis —. « Je suis, donc, je inspire en ce moment ; je suis, donc, je expire en ce moment » !
« Je inspire, donc, je suis en ce moment ; je expire, donc, je suis en ce moment » ! Afin de vérifier si cette expérience physique, phénoménologique, sensorielle est la source de ce qu’il m’arrive de considérer comme étant le bonheur, je vous invite à arrêter de respirer. Adieu, cher ami, et vive le bonheur éternel !
(…)
Est-ce le plus important dans l’existence ?
À chacun de décider ce qui lui semble être le plus important pour le temps de son existence jusqu’à ce que la question ne se pose plus.
Par quel moyen y parvenir ou parvenir au plus important ?
Le moyen qu’il vous faudra choisir vous-même. Par exemple, se prendre en main, comme tout artiste et tout artisan prend quotidiennement dans ses mains l’œuvre non encore achevée. Il s’agit ici de l’œuvre non encore achevée que chacun est. En Orient, en Extrême-Orient, cela s’appelle se mettre en Chemin. Non pas un chemin à suivre selon des idées, des croyances, des savoirs. Il s’agit d’un chemin à tracer, soi-même, en reprenant quotidiennement un exercice — toujours le même — sous l’œil bienveillant, et donc sévère, d’un maître de l’art, un maître de l’exercice.
Le chemin est l’exercice ! L’exercice est le chemin !
Pour lire l’article en entier, Reflets n° 30 pages 58 à 59