Le « bitcoin »
Alain Pamart
Le « bitcoin » est une monnaie dématérialisée créée par des personnes privées, administrée par des sites spécialisés également privés, indépendamment des États. Cette crypto-devise circule exclusivement sur le réseau Internet, c’est un mode de paiement à vocation transnationale.
Les transactions s’opèrent sur un support dénommé la « blockchain » qui est un registre réputé infalsifiable ; celui-ci enregistre des données numériques, les stockant toutes en conservant leur historique. Chaque détenteur détient donc, actualisée en temps réel, la situation de son portefeuille virtuel. La devise « bitcoin » se distingue fondamentalement de celle des États car le montant total émis est intangible, contrairement aux États qui modifient constamment la masse de monnaie en circulation en faisant fonctionner la planche à billets.
L’avenir incertain et imprévisible du « bitcoin »
Le « bitcoin » est encore à ce jour un mécanisme relativement confidentiel qui devrait « prospérer » dans des proportions difficiles à quantifier mais assurément très importantes. Bientôt l’ignorance relative de l’existence du « bitcoin » aura vécu et tout un chacun s’y verra confronté, soit en l’utilisant, soit en lui marquant une hostilité de principe. Le défi d’une monnaie émise par un simple particulier n’est pas mince quand bien même il n’émane pas du modeste boutiquier du coin. Gageons que cette nouvelle devise est une véritable révolution culturelle ; notre conception de la monnaie attachée à la nation d’origine et à son identité première en sera inéluctablement affectée.
La relative complexité de l’usage du « bitcoin », sa multiplication exponentielle, sa vocation latente comme instrument de spéculation vont nécessairement écarter un très grand nombre de nos concitoyens, mais capter, à l’inverse, une minorité qui ne sera peut-être pas aussi minoritaire qu’on voudrait le croire.
Insistons sur la potentialité spéculative du « bitcoin ». Comme le nombre d’unités émises est irrévocable, seul l’équilibre ou plutôt le déséquilibre entre acheteurs et vendeurs sert de base pour en fixer la valeur unitaire. Si la devise est prisée, sa valeur va s’accroître, sinon elle ira en décroissant. Insistons sur un deuxième point qui est véritablement la clef de voûte de son existence et de sa survie : la valeur du « bitcoin » est exclusivement fondée sur la confiance et rien d’autre ; il n’existe aucune garantie, contrairement aux devises des États basées sur le patrimoine de ces derniers, leur santé économique, leur notoriété sur la scène internationale.
Qu’en sera-t-il des usagers du « bitcoin » ?
Pour les gros-porteurs, ils disposeront de moyens pour influencer les cours. Le « bitcoin » est idéalement le produit à forte valeur volatile multipliant ainsi les possibilités de manœuvre. En toute vraisemblance, ils joueront sur un rythme mesuré en volume et en fréquence pour tirer parti au mieux des cycles baissiers et haussiers ; ainsi ils n’altéreront pas trop fortement les cours et éviteront un possible recul de la confiance des autres porteurs.
Pour les moyens et petits porteurs, leur vigilance ne devra souffrir d’aucune distraction. Ils n’auront d’autre alternative que celle de suivre la stratégie supposée des gros-porteurs. Beaucoup resteront sur le carreau ; parvenir à discerner ce que veulent habilement dissimuler les gros-porteurs n’est pas une mince gageure. Il leur faudra être particulièrement chanceux, inspirés ou disposer d’un pouvoir de prémonition.
Le « bitcoin » influencera-t-il les mœurs de la société ?
Ne sommes-nous pas devant une inconnue majeure ? Le « bitcoin » deviendra-t-il une réalité pour le contenu de nos porte-monnaie ?
À l’évidence, le « bitcoin » suppose la maîtrise d’Internet et une familiarisation de toutes les procédures qui en constituent l’ossature. Il devrait donc assez peu toucher la génération des aînés, mais plutôt les générations suivantes. De cette observation, peut-on augurer une montée vertigineuse du phénomène ? Celle-ci sera-t-elle tempérée ou freinée par les États, la monnaie étant un pilier du pouvoir politique ? La mécanique « bitcoin » est pour sa part un mode, pour le coup non virtuel, d’échappatoire fiscale.
(…)
Pour lire l’article en entier, Reflets n° 28 pages 6 à 8