Équilibre des polarités
Kenza Belghiti
Ingénieure polytechnicienne, Thérapeute psychoénergéticienne, Kenza Belghiti est fondatrice du centre Les Chemins de L’Éveil à Casablanca (Maroc) et de l’approche EMC pour l’accompagnement des futures mamans. Elle est également organisatrice du festival du Féminin au Maroc. Engagée dans une démarche solidaire, elle collabore avec l’association Sqala et l’association Relais et Prison pour l’animation d’ateliers pour femmes et adolescentes en milieu carcéral. Elle est auteur de Soulever le toit pour voir le ciel édité par Le Souffle d’Or www.lescheminsdeveil.com
Quelle différence entre féminin et féminisme ?
Le féminisme regroupe un ensemble de mouvements et d’idées politiques, sociales, philosophiques en vue d’obtenir l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes, d’abolir les inégalités homme-femme et de promouvoir les droits des femmes dans la société civile et dans la vie privée. Le féminin est quant à lui une énergie, un principe. Il est inhérent à toute création, à tout être vivant quel que soit son sexe. Nous avons tous en nous une dimension féminine. Le féminin est le creux, le réceptacle, la matrice. Le féminin est ce qui nous met en lien avec notre dimension réceptrice, notre puissance créatrice, notre capacité d’accueil, d’écoute, de compassion et de ressenti. Notre féminin nous met en lien avec notre nature profonde, avec nos aspirations, il nous relie à la nature, à notre « divinité intérieure ». Il est une force centripète qui nous fait cheminer de la périphérie au centre de notre être. En même temps que nous nous sommes coupés de la nature et de la terre, nous avons érigé la productivité, la linéarité et la rationalité comme valeurs dominantes. Nous nous sommes ainsi coupés de notre nature intérieure et nous en sommes arrivés à dénigrer les valeurs du féminin et les femmes. Les siècles d’oppression des femmes dans notre société patriarcale ont alors nourri la révolte féministe. Grâce au combat de femmes engagées, de nombreuses inégalités ont été abolies, et ce combat est toujours d’actualité dans de nombreux pays du monde. Toutefois, les avancées et les percées réalisées en terme de droits des femmes ne doivent pas nous faire oublier d’autres avancées majeures à accomplir, celle de la réhabilitation des valeurs du féminin en chacun et en chacune dans notre société. Nous sommes encore trop souvent emprisonnés dans le schéma du dominant/ dominé, dans cette guerre des sexes du féminin/masculin. Une guerre des sexes qui se rejoue aussi bien à l’échelle individuelle que collective, dans l’intimité du couple et au niveau des sociétés. Ce déséquilibre prend sa source dans cette dualité profonde qui nous habite et que nous n’avons pas encore pleinement intégrée du féminin et du masculin en soi. Aujourd’hui nous devons passer du combat extérieur entre les hommes et les femmes à la paix intérieure entre l’homme et la femme en soi.
En effet, dans la lutte pour reprendre leur pouvoir, les femmes ont davantage usé de leur énergie masculine en délaissant ainsi une part de leur féminin et de leur essence vitale. Leur féminin blessé est venu nourrir leur masculin blessant. Un masculin revendicateur et combatif avec lequel elles ont voulu à leur tour dominer les hommes. La puissance se confond avec la domination et la douceur, l’écoute et la réceptivité avec la soumission. En jugeant leur propre féminin, c’est aussi celui des autres femmes et celui des hommes que les femmes jugent, et c’est une société entière qui souffre aujourd’hui du déséquilibre des forces.
Un autre élan émerge depuis quelques années en faveur d’une réhabilitation du féminin dans nos sociétés. Il favorise la prise de conscience que l’équilibre n’est pas une course infinie à la croissance mais un cycle, un processus de mort/renaissance, une giration, une évolution spiralée. Tout est cyclique dans l’univers à l’image du cycle des saisons, de la rotation des planètes, de la danse de l’électron autour du noyau. Cette nature cyclique est précisément ce qui permet de maintenir l’harmonie. Et la femme en est l’incarnation et la gardienne, puisqu’elle vit ce rythme dans son corps tous les mois.
De nombreuses femmes se regroupent aujourd’hui dans des cercles de femmes, des tentes rouges, des évènements tels que Le Festival du Féminin, pour redécouvrir et renouer avec leur puissance féminine. La femme s’éveille pour le plus grand bien de tous à la dimension sacrée de son corps et de ses cycles. Elle redevient l’initiatrice qui va permettre à l’homme de découvrir la dimension du féminin en lui. Ce mouvement n’est pas une lutte ou un affrontement, il est au contraire un élan unificateur qui tend à harmoniser le féminin et le masculin en soi.
Qu’est-ce que l’équilibre masculin-féminin en soi ?
Le monde manifesté est un monde de dualité et dans ce sens il est régi par le principe de polarité et le principe de genre. Tout ce qui est créé possède une dimension féminine et une dimension masculine. Et en suivant ce principe, l’équilibre du féminin et du masculin en soi est l’équilibre entre ses polarités émettrices et réceptrices. L’équilibre entre sa dimension active et passive, sa dimension solaire et lunaire. Il se trouve que c’est souvent à travers le miroir de nos relations, de nos couples extérieurs que nous pouvons prendre conscience de cet équilibre du féminin et du masculin en soi. Le couple extérieur est en effet le miroir révélateur de notre couple intérieur. Le couple que nous formons avec notre partenaire nous fait travailler sur nos polarités. Il nous permet d’en prendre conscience, de les vivre, d’expérimenter le rapprochement des contraires et ultimement d’harmoniser les forces du féminin et du masculin en soi. L’équilibre du féminin et du masculin revient donc à équilibrer ses polarités féminines et masculines mais aussi à transformer son féminin négatif, son féminin blessé, soumis, maltraité, etc. en un féminin positif, et son masculin négatif, autoritaire, abusif, tyrannique en un masculin positif. L’équilibre du féminin et du masculin en soi constitue de ce fait un enjeu majeur pour notre propre harmonie intérieure, mais il représente aussi un enjeu majeur d’évolution pour notre humanité dans le sens où il permet d’élargir notre conscience d’altérité et de tendre vers un accomplissement relationnel comme nous le rappelle Arouna Lipschitz. Il est vraiment temps aujourd’hui de passer du rapport de force à un rapport harmonieux de nos forces et en terminer ainsi avec la « guerre des sexes », la guerre entre l’homme et la femme en soi et à l’extérieur de soi.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 25 pages 52 à 53