Je n’allais pas bien. Je me laissais influencer par mon entourage.
Je me sentais dépendante et déstabilisée. Je n’avais pas confiance en moi. Je doutais de tout, je doutais même des bienfaits de l’atelier, de la méthode proposée. J’avais envie de me divertir, de suivre un chemin plus simple.
Et comble de malheur (ou de bonheur), le sujet du soir était :
« Ma dernière envie que j’ai réalisée ou non. »
Aussitôt me vint à l’esprit l’engagement que j’avais pris, à savoir de relire La psychologie nucléaire et de l’expliquer avec mes mots. Malgré mon envie de le faire, j’avais abandonné.
Après avoir écrit sur ce sujet, je me sentais déboussolée.
Et impossible de trouver un souvenir qui corresponde à cette émotion !
Donc aucun moyen de « traiter » cette émotion, de consoler et de transformer… Je cherchais désespérément, je ne voulais pas avouer une nouvelle fois que je n’avais pas trouvé de souvenir. Je voulais réussir !
In extremis s’est présenté un souvenir tiède.
Mais c’était mieux que rien.
Probablement influencée par l’inscription récente à un cours de dessin, je raconte le souvenir suivant : je présentais à mon professeur d’arts plastiques le début d’un dessin fait à la maison au coin de la table de notre petite cuisine, représentant de minuscules détails de plantes maigrichons et bien réels. Mon professeur me fixa d’un regard incrédule et fort déroutant pour moi. Sans mot dire, elle alla me chercher une nouvelle feuille et m’invita de recommencer à peindre le sujet donné : une jungle luxuriante. Ce que je fis avec succès.
Tout en me doutant que ce souvenir était un produit de mon intellect et sentant qu’il ne correspondait pas au ressenti de mon état actuel, je fonçais. Je finissais même à trouver qu’il collait parfaitement à la situation. J’étais même fière de ma trouvaille.
Quelle belle conclusion, un coup de maître d’écrivain !
Car, quoi de plus simple ?
Transposé dans l’actualité, il suffisait donc de gommer mes doutes et de faire confiance en mes capacités ! Et le tour était joué !
L’animateur me fait remarquer que je n’ai pas tout vu ! Mon souvenir, dit-il, parlait de la même misère que la fois d’avant : je me dévalorisais… Et je n’avais pas du tout traité la misère….
Mon illusion s’effondrait comme un soufflet sorti sans précaution du four.
J’étais très déçue. Cependant, quelque chose en moi se rebiffait, m’affirmant que j’ai quand-même écrit une belle histoire ! Mais je sentais que c’était une victoire de la tête. Mon cœur n’était nullement réchauffé. Il n’y avait aucune joie en moi, seulement de la satisfaction.
Je me couchais en espérant faire de beaux rêves !
J’ai fait un cauchemar.
Un cambrioleur s’est introduit dans mon appartement au rez-de-chaussée ! Je me lève d’un bond, prête à allumer. Il renverse quelque chose dans le salon. Angoissée, je crie : « Il y a quelqu’un ? » Je me calme en pensant qu’un objet était tombé tout seul peut-être ou qu’un chat était entré malgré les volets fermés… C’était absurde ! Il y avait bel et bien un cambrioleur. Silence. Je n’osais pas y aller pour vérifier. Je sentais que l’intrus m’attendait, peut-être avec un couteau à la main ! Quoi que je fasse je ne serais pas assez forte pour l’affronter. J’allais périr… Une solution ! Sauter par la fenêtre qui donne sur la rue ! Je veux ouvrir les volets mais avant que je ne le fasse, je me réveille.
Le lendemain, j’éprouve le besoin d’écrire à l’animateur
qui est également un accompagnateur et conseiller, et de lui parler de mon état d’âme, de la séance décevante, de mon rapport avec lui et j’avais envie de lui raconter mon rêve. Cet acte allait sûrement m’apaiser.
Puisqu’il fait beau j’ouvre la fenêtre du salon qui donne sur le jardin et je m’installe devant mon ordinateur dans la pièce à côté qui donne sur la rue. À peine ai-je écrit deux lignes que je sursaute d’effroi.
Une présence à côté de moi ! Le chat de la voisine !
« Tu m’as fait peur » lui dis-je sur un ton de reproche.
Aussitôt, je pense à mon rêve.
Après avoir reçu quelques caresses, le chat quitte la pièce et je me remets à écrire et à expliquer ma situation.
Je veux clarifier mon comportement !
Pendant que j’écris ces mots, le chat revient. Il frôle mes pieds, je le caresse. Puis il saute sur le radiateur devant la fenêtre. Il a du mal à s’installer sur cette mince surface. Il y arrive tant bien que mal. Il écarte avec sa tête le voilage qui le gêne, puis il observe tranquillement la rue.
Il reste dans cette position jusqu’à ce que j’aie fini d’exposer ma crise, fini de comprendre que la veille j’étais tombée dans le piège de mon égo, et fini de reprendre espoir grâce à lui.
Elfriede Dubort