Qu’est-ce qui vous a amenée à la vie spirituelle ? Y a-t-il eu un déclencheur dans l’enfance ?
Une photographie !!! Celle de mon grand-oncle, un sage juif avec sa barbe et ses papillotes. Le cadre trônait dans notre salle à manger. Petite, j’ai découvert un secret, partagé avec personne : quel que soit l’endroit où je me tenais dans la pièce, il me regardait, sauf bien sûr si je me mettais sous la photo. À travers ses yeux, j’ai découvert qu’il y avait un « au-delà » puisqu’il était mort… peut-être même que sans me le formuler clairement, je percevais que la mort n’existe pas ! Cette expérience d’enfant a été le déclencheur à partir duquel le mystère de cet espace, entre la réalité existentielle et ce que j’appelle aujourd’hui le Réel, ne m’a plus quittée.
Comment cela s’est concrétisé ?
D’abord par la quête de sens !
Le sens des mots a été ma première passion. J’étais servie, car j’étais étudiante à Nanterre à la belle époque des grands penseurs-chercheurs-philosophes- linguistes psychanalystes français… Entre les séminaires de Deleuze, Lacan et autres, cela a fini en 1979 par une
thèse de doctorat en littérature-sémantique avec Julia Kristeva, Roland Barthes et Tzvetan Todorov comme jury ! Suite à cette consécration intellectuelle, avec une belle carrière de professeur d’université à l’horizon, je me sentais comblée. Oui, mais… Plus proche de cette intelligentsia, j’ai vite perçu le décalage entre la théorie et une philosophie véritablement vécue comme amour de la sagesse. J’étais face aux limites de l’intelligence non incarnée dans la vraie Connaissance, celle du Connais-toi toi-même socratique.
Le « hasard » a entendu ma quête de sagesse.
Il s’est manifesté par un mal de dos qui m’a conduite à faire du yoga avec Eva Ruchpaul. Le même « hasard » m’a fait rencontrer Karl Graf Dürckheim qu’elle invitait à faire des ateliers de pratique dans son école. J’ai encore la mémoire corporelle de la main de Dürckheim sur mon dos quand il ajustait ma marche consciente, sans compter son magnifique travail sur le hara. Grâce à lui et au yoga, j’ai compris que sans ancrage dans le corps, la quête de sens se prend vite la tête au point d’en avoir plein le dos du triturage mental, en dépit des jouissances cérébrales que la pensée déclenche quand elle est philosophiquement de haut niveau.
Le « hasard » a poursuivi son œuvre invisible :
Eva Ruchpaul, ne pouvant se rendre à Londres, m’a demandé d’aller à sa place à un séminaire de yoga et méditation animé par un maître
indien qu’elle connaissait bien, le Swami Venkatesananda, de la lignée de Sivananda. Ce fut le coup de foudre spirituel ! Cette rencontre
a enclenché mon chemin de disciple, au sens d’obligation de conscience pour reprendre un terme de Yvan Amar. Oubliée, l’université !
Je suis devenue prof de yoga, transmettant la philosophie orientale de non-dualité propre à l’Inde. En 1982, le Swami a invité ses prochesdisciples à le rejoindre à Rishikesh car, nous disait-il, il allait mourir avant la fin de cette année. Sur les bords du Gange, j’ai pris la robe orange de Swami le 14 février 1982, vivant au passage quelques contacts puissants et profonds avec l’infini et le non-temps, où j’approchais de plus près l’Invisible entre Réel et réalité.
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Le Swami Venkatesananda, avec qui je suis rentrée en France, a transformé mon centre de yoga en ashram, me propulsant comme
gourou d’élèves devenant soudain aspirants disciples ! Cette position de gourou au supposé tout savoir et pouvoir, face à des élèves souvent
plus aspirateurs qu’aspirants, m’a vite pesé. Le Swami, grand liseur d’âmes, m’a alors suggéré de prendre un peu de vacances dans la communauté d’Aïvanhov dont je lui avais fait découvrir l’enseignement initiatique. Aussitôt dit, aussitôt fait, et me voilà au congrès de Pâques chez Aïvanhov dans le sud de la France en avril 1982. Comme annoncé, le Swami est mort en décembre.
Aïvanhov est devenu mon guide spirituel
jusqu’à sa mort quatre ans plus tard. Peu de temps, mais suffisamment pour passer de la philosophie orientale à la sagesse initiatique, m’initier à la spiritualité christique, retrouvant au passage mes racines hébraïques via l’Arbre de Vie. À partir de là, j’ai élaboré ma « sauce spirituelle personnelle » entre Arbre de Vie, méditation et enseignement christique où le Verbe doit se faire chair… Une spiritualité incarnée jusque dans la relation humaine et sexuelle sous le nom de la Voie de l’Amoureux !
Quelle importance a pour vous cette relation spirituelle entre l’élève et le maître ?
C’est une relation essentielle si elle ouvre à l’autonomie et non à la dépendance ! Une étape nécessaire car le maître extérieur, comme un miroir, permet de découvrir en reflet son maître intérieur. Encore faut-il s’engager au sérieux travail d’élargissement de conscience pour approfondir son propre chemin du Connais-toi toi-même ! C’est un sujet qui m’interpelle : comment être un enseignant et un accompagnant spirituel, ce que je suis aujourd’hui pour beaucoup, en conduisant les chercheurs spirituels vers une autonomie qui passe par une individuation, au sens jungien du terme ?
Pour lire l’article en entier, Reflets n°53 pages 58 à 63