Amma, Soulager la souffrance du monde
Christian Roesch
Amma – Sri Mata Amritandamayi Devi – est née en 1953 au Kérala, dans le sud de l’Inde. Sa famille fait partie d’une communauté pauvre de pêcheurs. Dès l’adolescence, elle commence à étreindre spontanément des personnes pour les réconforter bien que cela soit complètement étranger à la culture indienne.
Amma a fondé un très large réseau d’œuvres caritatives en Inde regroupées dans l’ONG Mata Amritanandamayi Math plus connu sous le nom de « Embracing The World ». ETW procure des soins médicaux gratuits à plusieurs millions de personnes depuis sa création. Des maisons ont été construites pour 50 000 sans-abris. Des formations professionnelles, des orphelinats, des hospices sont aussi à son actif. Amma a été reçue à l’ONU. Elle jouit d’une reconnaissance internationale pour ses œuvres. Sa ville d’origine est devenue le quartier général de son organisation. 3000 personnes du monde entier y vivent, viennent se former à son enseignement et s’impliquent dans les projets caritatifs.
Plus de 36 millions de personnes ont été embrassées par Amma
Lors de sa visite à Paris fin octobre 2016, nous avons eu, mon épouse et moi, l’honneur de vivre cette expérience. www.ammafrance.org
Nous sommes à la Villette, au Paris Event Center. Dans cette immense salle, une estrade est dressée. De part et d’autre, deux rangées de chaises, réservées à ceux qui attendent d’être pris dans les bras. D’autres chaises et des espaces pour s’asseoir à même le sol sont mis à disposition plus loin derrière.
Amma prend dans ses bras. Sur son épaule droite, se pose la tête de la personne. L’étreinte dure 8 à 10 secondes. Quelques secondes s’écoulent entre chacune d’elles. Deux assistantes informent les gens pour éviter tout temps mort. D’autres canalisent et font avancer cette chaîne humaine. Ce mouvement permanent, accompagné par le sourire et l’efficacité des bénévoles, se déroule dans le calme. Des chants sont diffusés et participent à cette atmosphère recueillie et presque silencieux. En bas, la foule assiste au darshan, littéralement la « vision du divin » en hindou. Beaucoup ont pris un ticket pour aller dans les bras d’Amma.
La compassion en action…
Mon épouse et moi sommes assis sur des chaises à une dizaine de mètres d’Amma. Nous assistons à ce ballet si calme et si léger malgré la foule.
(…)
Après l’étreinte, les deux « gardes du corps », avec autant d’efficacité que de douceur aident les gens à se relever. Ceux qui attendent, assis par terre, avancent peu à peu sur le signal des assistantes. Les gens sont recueillis, silencieux. Les chants sont entêtants, la musique ininterrompue. Après l’étreinte, chacun se relève dans un état de communion puis va s’asseoir calmement pour intégrer ce qu’il a vécu.
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Toujours aussi détendue, toujours aussi concentrée. Dans la file d’attente, les femmes sont majoritaires. Me vient cette réflexion : l’avenir n’est pas au féminisme, mais à la féminité de l’esprit, vraie gardienne de la paix. « La compassion en action » dit le grand bandeau sur le mur au fond de l’estrade.
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Lors de l’étreinte, l’assistante de gauche appuie sur la tête de la personne pour qu’elle se pose bien au creux de l’épaule d’Amma qui jette parfois des pétales après le moment d’étreinte. Mon tour arrive. Quel étrange sentiment ! Elle est toute attention. Elle me susurre des mots à l’oreille – Auparavant, l’assistante avait demandé ma nationalité – ; les sons me pénètrent. Je suppose que c’est du sanscrit. Je tiens aussi Amma dans mes bras pour bien la sentir. Nous restons ainsi longuement. Puis elle relâche son étreinte, me regarde et me reprend. Je lui dis quelques mots en français qu’elle ne comprend pas, mais elle me regarde ensuite intensément. Elle m’offre une pomme, un bracelet de prière, un bonbon, un pétale de rose. Je me relève pour laisser la place à une famille. Difficile de dire le temps passé dans ses bras.
Si l’on éprouve vraiment de l’amour dans ce que l’on fait,
rien n’est jamais fatigant
Nous sommes alors dans un hors temps.
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Cela fait deux heures qu’Amma étreint. Aucun signe de fatigue de sa part. Elle est avec chacun comme si c’était le premier. Avec certains, elle est rapide, avec d’autres, plus lente. Comment est-ce possible tout ce monde ? Comment est-ce possible tout cet amour ? Nous sommes si proches du brouhaha, des tentes des sans-abri de l’avenue de Flandre, et pourtant si loin, si loin par la paix qui règne ici. Je me surprends à penser que la vie l’emportera, c’est sûr ! L’amour est si simple. Il rejaillit sur l’organisation. Les bénévoles le transmettent.
(…)
J’ai appris plus tard que le mantra qu’elle me susurrait à l’oreille était du français : « Mon chéri, mon chéri… » Comme quoi, il est possible de parler « en langue » ! L’amour ne s’embarrasse pas de cette frontière.
Pour lire l’article en entier Reflets n° 23 pages 66 à 67