Rencontre avec Matthieu Ricard
Matthieu Ricard, fils du philosophe Jean-François Revel et de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin part en Inde pour la première fois à vingt et un an où il rencontre de remarquables maîtres spirituels tibétains. Après avoir complété sa thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur, il décide de s’établir dans l’Himalaya à vingt six ans, étudiant et pratiquant le bouddhisme. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn au Népal. Il est aujourd’hui l’interprète français du Dalaï-lama depuis 1989. Accessoirement, il photographie depuis plus de quarante ans les maîtres spirituels, la vie dans les monastères, l’art et les paysages du Tibet, du Bhoutan et du Népal.
La relation maître-disciple, est-elle indispensable à l’épanouissement spirituel ?
Quand j’écrit un petit livre sur la méditation, du fait qu’on me demande souvent “Comment commencer?”, je savais qu’ un petit manuel de méditation ne suffisait pas. Certes, ce manuel est fondé sur les enseignements et les paroles de maîtres spirituels authentiques, mais rien ne remplace une transmission vivante. Mais vers qui se tourner ? Au Tibet, tout le monde sait où il y a des maîtres spirituels, des ermites, ça fait partie de la vie de tous les jours. Ici, ils sont présents, bien sûr, mais cela fait moins partie de notre culture.
Le Dalaï-lama propose de promouvoir les valeurs humaines indépendamment des religions. Déjà, cela serait tellement énorme pour la société et cela pourrait toucher tout le monde. Si nous mettions dans l’éducation les valeurs éthiques séculières comme la tolérance, la bienveillance, la coopération, cela aiderait beaucoup.
Le bouddhisme n’est pas une spiritualité théiste. Elle parle d’une perfection qui est présente en nous tous, la ” nature de Bouddha “. Ces valeurs humaines que sont la bonté, la faculté de coopérer, l’empathie et le fait qu’on peut trouver la paix en soi, c’est cela la base….
Qui serait contre l’honnêteté, la bonté ? L’altruisme est une nécessité. La tolérance est une nécessité. Le fait de ne pas être complètement fasciné par la société de consommation, de savoir se contenter, est un grand soutien dans l’existence. Le fait de ressentir un sentiment de plénitude n’est-il pas précieux dans notre existence, du jour de notre naissance jusqu’au jour de notre mort ? La religion est un choix facultatif qui regarde tout un chacun. Si vous voulez utiliser la religion pour approfondir l’amour altruiste, l’amplifier, le multiplier, cela vous appartient. Le Dalaï-lama dit souvent qu’en tant qu’être humain, il souhaite promouvoir les valeurs humaines et en tant que moine bouddhiste, il souhaite promouvoir l’harmonie entre les religions. Il dit : « Jusqu’à ma mort je poursuivrai la promotion de ces deux points ».
Le plus important, c’est de promouvoir l’amour altruiste, tout le reste suit. Sans bienveillance, sollicitude, considération pour l’autre, rien ne marche. C’est « le corps » de Plaidoyer pour l’altruisme qui vient d’être publié. L’altruisme n’est pas une utopie, un idéal naïf, un luxe qu’on peut se payer quand tout va bien, c’est une nécessité.
Lire la suite…Reflets n°10 pages 68 à 76